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Avignon Off 2019 en chansons

Par Yves Le Pape

Ils sont nombreux les artistes à venir chanter dans le cadre du Festival Off à Avignon. Ce sont des chanteurs et des chanteuses mais aussi des comédiens et des troupes qui proposent une belle variété de programmes. A côté des auteurs-compositeurs-interprètes, on peut découvrir de nombreuses propositions autour du patrimoine de la chanson qui de La Goulue à Brel, Brassens et Barbara permettent de redécouvrir des répertoires sous des angles parfois très originaux.

 

 

 

Pour se repérer dans cette immense programmation Nicolas Bacchus a eu la bonne idée d'organiser chaque semaine une scène ouverte où les artistes ont pu venir présenter le spectacle qu'ils donnent à Avignon.  

Buridane, le chant et la poésie de l'existence

Buridane fait partie des invités de l'ADAMI à l'Arrache Coeur. D'emblée elle joue carte sur table. Elle ne monte pas sur scène pour faire de la musique. Elle le fait pour parler de la vie et sur sa façon de la penser. Buridane nous propose sa philosophie de l'existence. Mais, comprenons nous bien : ses textes n'ont rien à voir avec l'écriture d'un bouquin de philosophie. C'est en poète qu'elle s'adresse à nous.

 

 

 

Elle évoque La transition qui « parle du réel,du concret, du cambouis sur les mains ». Elle parle de sa recherche personnelle dans Electrochoc « j‘ai fouillé j'ai cherché j'ai bien brassé du vent / pour savoir une chose ce que je suis vraiment » . Et finalement ses Perspectives sont plutôt réjouissantes puisqu'elle elle chante « Oui demain demain, c'est beau quand il se danse, Que nos deux mains repoussent les murs et la méfiance ». Et A l'aube, la décision est prise « Je ne choisirai pas le néant » et elle s'appuie pour cela de« l'endurance des barges » qui est la sienne.

 

Mais c'est bien sûr de la chanson, et de belles et attanchantes mélodies qui soutiennent cette écriture ambitieuse et la rendent accessible. Il faut écouter Buridane ; prendre son temps de la comprendre. Et la lire aussi et ça n'est pas pour rien : les textes de l'album Barje endurance sont en ligne sur son Web. La lire puis l'écouter à nouveau ensuite.

 

 

 

Son chant est là pour durer. Nous ne sommes ni dans le quotidien ni dans l'actualité. Buridane c'est une pensée intemporelle, qui peut toucher chacun d'entre nous dans son rapport à l'existence et à sa propre vie.

 

 

 

Sur scène Buridane est entourée de 3 bons musiciens. Cédric de la Chapelle est là qui a co-réalisé l'album Barje endurance. C'est un artiste des claviers et de la guitare et il donne de la voix quand Buridane a besoin de choeurs pour l'accompagner. Olivier Granger est là avec son saxo et Jean Joly à la batterie. C'est une très belle équipe qu'a réuni autour d'elle Buridane. Ils nous offrent pour conclure Battre la route, une chanson nouvelle, une ballade toute folk, 100% acoustique. Un enchantement. 

Marjolaine Piémont sans le superflu

L'ADAMI a invité Marjolaine Piémont à l'Arrache-Coeur.

 

 

 

Marjolaine c'est d'abord l'artiste d'un répertoire très personnel. On l'a trop rapidement rangée dans un registre léger et égrillard, alors que son univers est en réalité bien plus complexe. Marjolaine chante la bonne potiche, « juste bonne à souffler du dioxyde de carbone » qui lit Simone de Beauvoir la nuit venue (Je suis bonne). Mais c'est aussi, de façon plus autobiographique, la fille unique, « une belle au bois dormant entre papa et maman » qui voit arriver une petite sœur qui devient « la princesse », et c'est très dur à vivre (Il était une fois). Elle aime serrer la main des messieurs comme elle le fait d'ailleurs dans la salle de l'Arrache Cœur, et phantasme sur ce que ces mains ont pu caresser dans l'intimité même de leurs propriétaires (Serrer la main). Elle aime les mâles descendant de Néandertal, ces hommes à poils qu'elle trouve si beaux (C'est beau un homme à poils).

 

Elle aime aussi cet homme qu'elle rencontre 2 fois par an de façon très intime, un homme qui lui parle de sa « beauté intérieure » ; sans ambiguïté, il s'agit en réalité de son docteur (Ma beauté intérieur). Elle va respirer le grand air dans des balades de cimetières (Le parcours de santé). Quand elle chante « Pourquoi mettre une robe si personne ne me l'enlève » (A quoi ça sert), on se souvient du Déshabillez-moi de Juliette Gréco, une artiste qu'admire tant Marjolaine. Et quand elle chante une vieille dame qui, pour « tuer le temps » a un amant du nom d'Alzheimer (Vieille) on se rappelle que Gréco chantait de son côté « le désir charmant de devenir vieille ».

 

 

 

Marjolaine a commencé à apprendre la chant lyrique avant de choisir la chanson. On sent d'ailleurs qu'elle peut faire de grands écarts avec cette voix très agile qui est celle d'une grande interprète. C'est la découverte de Barbara qui lui a fait changer de cap et à certains moment de son set on peut trouver une certaine parenté entre Marjolaine et Barbara, la Barbara qui chantait Mes hommes par exemple. Après un long parcours dans les comédies musicales, Marjolaine Piémont a trouvé maintenant sa voi(x)e dans la chanson. On l'y retrouvera sûrement à l'avenir avec plaisir. 

Yoanna : le grand choc d'Avignon Off en chansons

Photo Lucie Locqueneux
Photo Lucie Locqueneux

Yoanna est de retour. Certes on avait pu la suivre et l'admirer dans Marre Mots, son spectacle jeune public qui a tourné pendant deux ans dans toute la France.

 

 

 

La voilà à Avignon où elle présente les chansons de son prochain album, 2è sexe. Sortie prévue en septembre 2019.

 

 

 

2è sexe porte bien son nom et Simone de Beauvoir serait heureuse de voir que de nouvelles générations continue son combat. Et Yoanna le fait avec une force, une énergie, une violence qui est un vrai choc. Les textes sont comme autant de coups de poings ; ils font vibrer et sont portés par une musique et une interprétation qui leur donne encore plus de force. Mathieu Goust, le batteur, est un partenaire idéal pour accompagner l'accordéon magnétique de Yoanna. 

Photo Lucie Locqueneux
Photo Lucie Locqueneux

Yoanna est complétement de son temps. Elle s'engage aussi sur le terrain politique et En marche ne va pas plaire aux macronistes, s'il en reste encore dans son public.

 

 

 

Mais Yoanna c'est aussi beaucoup de tendresse On la ressent dans Laissez-nous, cette si belle chanson où elle chante "laissez-moi être seule, laissez-moi être moche et proche de l'animal".

 

 

 

On reviendra plus longuement sur 2è sexe dans la magazine Francofans à paraître le 1er octobre car cet album sera très certainement un évènement de cette prochaine rentrée..

 

 

 

Yoanna chante à l'Atypic Théâtre d'Avignon à 20h40 jusqu'au 28 juilletPhoto Lucie Locqueneux

Gatica et Laurent Lamarca à l'Arrache Coeur

L'ADAMI renouvelle cette année l'opération Talents ADAMI On y chante à Avignon.
Cette initiative a permis à cinq artistes de présenter un spectacle au
théâtre l'Arrache Coeur pendant tout le mois de juillet. Ont donc été retenus cette année : Buridane, Marjolaine Piémont, Gatica, Govrache et Laurent Lamarca.

Surprenante Gatica. Elle a été longtemps la chanteuse du 26 Pinel, un groupe qui a connu un beau succès dans les années 2000 . On la retrouve aujourd'hui en solo, sous son nom. Mais il vaudrait mieux parler d'un trio car elle a 2 partenaires féminins, Lola Malique au violoncelle et  Clara Noll aux percussions et à la basse avec qui elle a monté un vrai spectacle de groupe. Elles alternent et mélangent les instruments électriques et acoustiques dans de beaux arrangements qui naviguent entre un rock non-violent et des sonorités et des rythmes sud-américains.

 

 

Gatica a vécu en France depuis le plus jeune âge mais elle a conservé des racines au lointain Chili. Elle chante parfois en espagnol mais l'essentiel de son répertoire est écrit en français. Elle y chante l'amour, ses lointaines racines, la maternité. C'est écrit avec une grande intelligence. C'est chanté avec la voix d'une très belle interprète. Qui conclut avec humour sur L'amour est enfant de Bohême de Carmen. C'est rythmé. C'est joyeux. C'est Gatica à Avignon. Un beau rendez-vous ! 

 

Dans la même salle lui succède en soirée Laurent Lamarca. Laurent a fait des premières parties de Francis Cabrel, et on sent bien une parenté entre ces deux artistes. Mais on est sûr qu'il a aussi aimé le grand Bob Dylan. C'est du folk et de belles mélodies que l'artiste accompagne, seul en scène, intensément, avec sa guitare électrique.

 

 

 

Laurent aime se raconter, parler de sa famille et de sa vie. Il nous offre même un échange téléphonique, sur scène, avec lui-même adolescent. Irrésistible.

 

 

 

Ses textes font preuve d'un irrépressible optimisme. C'est un vrai humaniste qui croit le bonheur possible. Et qui chante sa façon de voir le monde et la vie dans un langage simple et touchant. Lamarca, c'est clair, c'est vivant et c'est bon pour le moral !