Les 8 indispensables du numéro 85


R.WAN

La gouache

(Poupaprod / Modulor)

Plus accessible que Curling, La gouache est le cinquième album solo du Titi parigot. Évoquant parfois un certain retour aux sources avec son côté rap musette et les apparitions de Fixi, on retrouve bien là le leader de Java. Au-delà de ça, R.wan nous montre avant tout qu’il est un amoureux de la langue française et de sa sonorité. Ludique et génial, Contrepitre n’est qu’un exemple de son talent. Il fait sonner les mots comme personne et parvient à dresser une satire de la société d’une façon bien personnelle. Avec humour (Ukulélé), poésie (Nos mille et une nuits) et intelligence (Des humains), il a cette nonchalance et ce recul singulier qui forcent à la réflexion. En plus de la participation de Salif Keïta, cet opus se nourrit de nombreuses musiques du monde et fait preuve d’une vraie ouverture artistique. Au final, La gouache est sans hésitation son meilleur album solo, celui que de nombreux fans attendaient secrètement.

www.r-wan.fr

Nicolas Claude


LA PHAZE

Visible(s)

(At(h)ome)

Le bruit courait depuis quelques mois, dans les milieux underground. La Phaze serait de retour. Joie. Dix ans après leur dernier album studio, les rois du pungle n’ont pas pris une ride. Toujours ce savant mélange de rock punk et de reggae jungle monté sur ressort, avec d’entrée, l’entêtant Comme David Buckel (avocat américain, défenseur de la cause LGBT, qui s’est immolé par le feu pour alerter sur la pollution). Le ton est donné. On ne va pas faire dans la dentelle. Guitares et textes acérés, sans concession, avec petites incartades en anglais quand le tempo ralentit, comme sur One way et son reggae blanc à la Police. Un duo puissant avec Niko de Tagada Jones sur Cogne, le bien-nommé. Un autre avec le MC espagnol Lasai sur Liberticide. Les onze titres s’enchaînent sans Sortie de route, avant de nous laisser, rechargés à bloc et indi-Visible(s). La maison brûle, réagissons tous ensemble avant qu’il ne soit trop tard.

https://laphaze.bigcartel.com

Eddy Bonin


LES OGRES DE BARBACK

Chanter libre et fleurir

(Irfan le Label)

Cet objet n’aurait pas vu le jour si la tournée en cours n’avait pas subi la crise sanitaire… et c’est pour tous ceux qui n’ont pu y assister qu’existe ce double-CD live, glissé dans un boîtier en carton, plié à la main. C’est à l’image des Ogres : beau, sobre, délicat, artisanal et réfléchi… Cette édition limitée contient donc deux heures de chansons qui retracent vingt-cinq ans d’un spectacle vivant qui ne s’est jamais arrêté, et qui reflète ce besoin viscéral de partir à la rencontre du public. Ici accompagnés d’un batteur, d’un musicien traditionnel et des cuivres de la fanfare Eyo’Nlé, les quatre frères et soeurs réinventent encore leurs différentes chansons, au travers d’une dimension plus rock, world ou festive, tout en préservant la puissance émotionnelle du texte. En cadeau, un sachet de graines, un mélange mellifère à semer chez soi, pour que l’état d’esprit et la musique des Ogres résonnent jusque dans nos terres…

www.lesogres.com

Nicolas Claude


STEF !

Culture physique

(ISPR)

Stef ! propose de la « chanson à voir », il n’y a qu’à jeter un oeil sur la pochette de ce nouvel EP pour le comprendre. La chanteuse remonte sur les planches avec son complice Lucas Lemauff au piano, et de bons compositeurs qu’il s’agisse de Lucas, Manu Galure ou Patrick Laviosa pour la mettre en musique. L’énergie et le sourire de Stef ! sont communicatifs, son talent de théâtralisation fait que les émotions passent finalement aussi bien que si elle était devant nous : qu’elle nous fasse rire avec Lady Lopette, Bombasse, ou sa Happy thérapie, qu’elle aborde sans ambages le (douloureux) sujet des règles dans Règles d’or, ou qu’elle fasse de beaux exercices de styles pour afficher son féminisme (Barbie trucs). Elle se fait aussi plus émouvante lorsqu’elle nous conte l’histoire de Mamoune et mamita. Rire est bon pour les abdos, sourire pour les zygos et cet EP parfait pour notre culture physique !

www.lesitedestef.com

Stéphanie Berrebi


LES GOGUETTES

Le temps béni de la pandémie

(Hé Ouais Mec Productions)

Nouveau florilège de goguettes réjouissantes pour se remonter le moral en cette période de maladie, pénurie et autres restrictions sociales. La joyeuse bande de musiciens, auteurs de textes corrosifs et percutants, Valentin Vander, Clémence Monnier, Aurélien Merle et Stan ont décidé qu’on pouvait rire de tout, de la politique, des dérives financières, de la bêtise humaine. Ils le font avec finesse, le ton est vif, les propos justes, quant aux musiques, elles sont connues de tous. Ces professionnels de la goguette manient le second degré comme personne sur des airs de Brel, Cabrel ou autres Clerc et Sanson. Les rythmes bondissent, les voix s’interpellent pour dégager le côté cocasse ou dérisoire des consignes de confinement. Vous saurez tout sur les masques, la chloroquine, la collapsologie… Vous reprendrez bien un peu de légèreté ? Et s’il vous prend l’envie de danser, c’est normal.

www.goguettesentrio.fr

Annie Claire


TERRENOIRE

Forces contraires

(Black Paradiso)

Avec Fils Cara, Zed Yun Pavarotti et aujourd’hui Terrenoire, la ville de Saint-Étienne est aujourd’hui la capitale de la nouvelle chanson contemporaine. Une scène qui se moque des chapelles musicales mélangeant influences hiphop, variété ou pop sans tabou, en bons rejetons de l’ère des playlists. Au-delà des questions stylistiques, c’est l’art de la diction qui frappe avant tout à l’écoute du premier album de ces deux frères. Une manière de poser les mots, de les chanter, les déclamer pour les faire rebondir sur les parois caoutchouteuses des instrus. Mus par cette habileté rythmique, les mots peuvent alors venir nous frapper au plexus. Profondément. On reste ébahi par tant d’aisance, puis littéralement sidéré, emporté par le diptyque Derrière le soleil / Jusqu’à mon dernier souffle en forme d’hommage à leur père disparu. Assurément deux des chansons (2.0) de l’année.

www.facebook.com/TerrenoireLaVieLaMort

Alex Monville


ZIM

Éponyme

(Label 440 / Inouïe Distribution)

Le Lyonnais Zim a remporté le tremplin d’À Thou Bout d’Chant en 2014. Après un EP dans la foulée, il nous arrive aujourd’hui avec un ambitieux premier album de quatorze chansons. On le retrouve comme sur scène, avec sa guitare et son accompagnateur attitré, Rémi Videira à la contrebasse. Leur duo se joue un peu d’électro et de percussions et fait appel ponctuellement à une trompette ou à un violoncelle pour des arrangements sans fioriture qui vont à l’essentiel. Zim chante ou slame. Il peut être jazz et sait se faire dansant. Il a du rythme et du swing. Il chante Les amitiés de fer, la vie qui passe et en dresse le bilan, Dix piges plus tard. Optimiste, il ne cache pas ses doutes et se demande s’il s’est perdu dans sa vie. En guitare-voix, il chante l’amour sur Ma liberté, où il questionne sa liberté dans ce couple qui est la chose dont il est « le plus fier ». Un très bel album dans lequel l’artiste se dévoile avec intelligence.

https://zikazim.fr

Yves Le Pape


LES IDIOTS

Tout le monde le sait

(Popatex)

Originaires d’Albi, ces Idiots jouent sur les apparences et c’est un pari réussi pour le chanteur d’Opium du Peuple de se lancer dans ce projet plus intimiste. Accompagné d’un guitariste et d’un accordéoniste, Guillaume Boutevillain propose donc sa chanson française pourvue de reliefs et de virages musicaux habiles et convaincants. Du rock (Lemmy Gaga) au swing manouche (Lourdes) et de la ballade folk (La complainte) à la valse musette (Jeux zinterdits), les nuances sont nombreuses. L’orchestration est simple et épurée, mais elle transmet une large palette d’émotions tout comme cette voix, grave et éraillée, à l’instar d’Yves Jamait. Doté d’un certain humour noir et d’un état d’esprit majoritairement punk, l’écriture est fine et la réflexion toujours bien menée. D’autre part, quelques chansons d’amour témoignent d’une douceur et d’une tendresse qui font réellement partie de la personnalité du trio.

www.les-idiots.com

Nicolas Claude


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