Les 8 indispensables du numéro 93


LUCIOLE

Un cri

(Attends-moi)

Un cri, une claque ! Luciole plante le décor avec son Intérieur nuit, dans cet album où chaque image nous saisit au plus profond de nos entrailles. Elle qui dévoila cet album par le titre éponyme du disque. Ce Cri qu’elle pousse contre celui qui s’est joué de l’ado pour lui prendre ce qu’elle avait de plus intime. Le disque s’écoute comme on regarde un film à la B.O. planante et élégante. On se laisse prendre dans son histoire, qui est malheureusement souvent un peu la nôtre. On revit les étapes par lesquelles on passe, de la destruction, passant par la colère avant de se reconstruire. Aujourd’hui, la chanteuse slameuse l’affirme : « J’écris avec mes crocs, car aujourd’hui, je veux être une voix, pas un écho. » (Avec mes crocs). Des images fortes et saisissantes, une poésie crue pour compter ses nuits d’insomnie (Dormir), l’envie de revivre cette nuit maudite pour retourner la situation (Danger de mort) et se libérer (Il est temps).

http://luciolemusic.com

Stéphanie Berrebi


ROVSKI

La proie est reine

(Adone Productions)

Harmonies délicates, production précise, épurée et douce inventivité… Rovski nous abandonne, enfin, son premier album. Fauchées en plein vol par la crise sanitaire, les deux musiciennes n’ont pas déposé les armes pour autant et comptent bien poursuivre ce chemin scintillant, soigneusement tracé ces dernières années (FAIR, Mégaphone Tour, Zebrock, Prix Georges Moustaki) depuis Mangroves, un premier EP sorti en 2019. Elles reviennent avec dix morceaux, soit autant d’occasions d’expérimenter leurs délicieuses et inspirées excentricités. Dans un ballet lancinant et séducteur, le tandem Sonia Nemirovsky et Olive Perrusson ouvre la danse avec un titre d’introduction malicieux aux parfums incantatoires (Catch), puis célèbre avec talent une pop tout aussi entraînante (Trinidad) que langoureuse (La pieuvre) ou épique (L’aventure). Entre Camille, Brigitte et La Féline, le duo pourrait bien réussir à se faire une (jolie) place.

www.rovski.fr

Xavier Lelievre


ODEZENNE

1200 mètres en tout

(Universeul)

Après dix ans à défoncer les boussoles, les Bordelais bidouillent l’altimètre dans ce troisième album, toujours aussi déroutant. Puisque la vie est une montagne russe d’émotions, faite de renaissance (la rémission de Marie-Priska, la sœur d’Alix, finalement emportée par un cancer en octobre 2021, dans l’hypnotique Vu d’ici) et de Danse de mauvais goût (duo avec Mansfield.TYA), les trois musiconautes d’Odezenne ont élu domicile dans le Space Mountain. Aux manettes, Mattia, le sorcier du home studio La Concorde, dans lequel il a ouvert le coffre à jouets analogiques, sorti les synthés, boîtes à rythmes et guitares tordues dans les effets pour des nappes électro délicieusement poisseuses et rétrofuturistes. Aux micros, Alix et Jacques réinventent le flow, au cordeau et au tempo mollo, parlé-chanté-jetlagué, via une écriture à quatre mains pour fusionner les mots en temps réel et rebooter les cerveaux. Une bouffée d’oxygène hallucinogène.

www.odezenne.com

Benoît Merlin


LIDELAIR

Sous ma douche

(Autoproduit)

Qui n’a jamais rêvé de chanter Sous ma douche ? Ne prenez pas ça pour une invitation, bande de pervers, c’est juste le titre de cet EP de Lidelair. Cinq tubes disco-punk, rafraîchissants. Difficile de résister à L’appel de la frite. Tuning vous fera bouger le popotin au son des « Vroum, vroum, vroum ». Le duo composé de Fabrice (guitare, grosse caisse) et d’Émilie (chant, keytar) s’entoure de co-compositeurs, Jérémy Garcia, Monsieur Orange et d’une autre Émilie (Marsh), qui amène une touche plus sérieuse, sur le très joli À la trace. On n’est pas loin de l’univers d’une Mademoiselle K ou d’une Valérie Lagrange, avec un guitariste à la Fred Chichin. Marguerite nous laisse sur notre faim. Cinq titres, c’est court. Une recette bien dosée, guitares saturées, synthés en bandoulière, textes drôles et percutants. Loin du hard discount, on est plus proche d’un rock de grande marque. Du coup, j’ai repris deux fois des moules.

www.lidelair.fr

Eddy Bonin


SUGAR & TIGER

Cristal temporel

(Noa Music)

Romance et rock’n’roll. Susucre et Minou s’aiment toutes guitares saturées dehors et continuent de célébrer, dans ce quatrième album, l’alliance des refrains pop et des rodéos punk. Dix ans de noces joyeusement foutraques et un rien rebelles, pour un mariage plus bariolé que blanc. Toute la clique Chappedelaine est à la fête (les fils de Didier, Arnold à la guitare et Diego à la batterie), sans oublier l’acolyte des Wampas, Jean-Michel Lejoux à la basse. Comme d’habitude, le tigre rugit entre les mélopées délicieusement acidulées de Sugar (Florence, Mme Didier Wampas) et lance les pogos en guise de joutes sétoises. À l’occasion, le couple se bécote dans un slow-santiags au son du rock des années Elvis (Mon chevalier du Zodiaque). Au détour de cette galerie de freak brothers moins barges qu’ils n’y paraissent, on croise un Biker vegan, un Mentaliste à la DDE et un cher Parasite… qui ne l’est pas.

www.facebook.com/sugarandtiger

Benoît Merlin


JULIE LAGARRIGUE

La mue du serpent blanc

(Le vélo qui pleure / Microcultures)

Pour ce cinquième album, Julie Lagarrigue a opté pour davantage de gaieté dans son expression. À la lueur de la période charnière que nous a imposé le vilain virus, elle a changé, comme si elle avait effectué sa mue. Chaque titre est un registre de cette mue, un reflet de son monde intérieur, riche et sensible. La voix de la chanteuse est franche, le phrasé plein d’humour et de vie. Il y a beaucoup d’élégance et de finesse dans l’écriture ; les instruments ajoutent de la sensualité aux textes, plutôt mélancoliques à tendance réaliste mais non dépourvus d’espoir. J’aime beaucoup le titre Ma douce sur un poème de sa maman, duquel se dégage beaucoup de pudeur entre la mère et la fille. On y entend un saxophone délicat. Nicolas Jules a prêté son jeu de guitare sur certains morceaux, Camille Rocailleux a présidé aux arrangements et Patrick Lafrance à la réalisation. Un album plein de charme.

https://julielagarrigue.com

Annie Claire


CALLAS TEBALDI

Aeternam

(Autoproduit)

Aeternam est le troisième EP d’Octave Meynieux, dit Callas Tebaldi. Intenses, les quatre titres nous emmènent dans un voyage mystique, rythmé de sons électroniques, d’orgues lancinants et de guitares saturées, où la voix limpide du chanteur jaillit comme un rayon de lumière au milieu d’un univers plutôt sombre. Mais ce qu’on pourrait entendre comme une danse macabre apparaît finalement comme une ode poétique à l’amour, à travers une écriture empreinte de romantisme mélancolique. À l’image d’Ad Vitam et de Noces funèbres, les titres de cet EP partagent la même plongée au coeur de l’intime d’un artiste aux aspirations spirituelles, voire astrales. Soutenu par la musique, le chanteur prend de la hauteur pour ne jamais redescendre. Callas Tebaldi exalte le mystère et le fantastique, passant du morbide au sublime, se faisant ainsi l’héritier moderne d’un Alfred de Musset ou d’un Alphonse de Lamartine.

www.facebook.com/callastebaldi

Julie de Benoist


LISA LEBLANC

Chiac disco

(Bonsound)

Après avoir bivouaqué dans les vertes plaines de la folk et du bluegrass, Lisa change radicalement de décor pour faire une virée nocturne sous les boules à facettes du disco. Pas la version barbe à papas Bee Gees mais une variante boisée aux accents chiacs, le patois du Nouveau-Brunswick. À l’image du single Entre toi pi moi pi la corde de bois, Lisa délaisse le banjo terreux pour les cocottes funky, et ça lui va comme un gant à paillettes. Mieux, sur le sautillant titre Pourquoi faire aujourd’hui, à l’esthétique Boney M, Lisa se prend pour Sheila et sort ses rollers et ses genouillères. Une manière futée de réinventer la disco-mobile. Contrairement à ce qu’elle chantait dans son premier album éponyme, aujourd’hui comme hier, sa vie, ce n’est pas « d’la marde ». Bien au contraire. L’artiste propose un audacieux mélange des genres, une sorte de disco-pop-folk pour élargir les pistes de danse. Jeux de bassin, jeux pas vilains.

www.lisaleblanc.ca

Youri


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