Les 8 indispensables du numéro 94


BAPTISTE W. HAMON

Jusqu’à la lumière

(Soleil Bleu)

Pour ce troisième album, on retrouve le songwriter baroudeur qui nous a tant plu ces dernières années. Un album épuré, plus joyeux dans son ensemble et toujours aussi aiguisé. La prise de son et les arrangements sont indéniablement une réussite. Pour cela, Baptiste W. Hamon a contacté John Parish, connu pour avoir collaboré avec PJ Harvey et Dominique A, entre autres. Une reprise de Jacques Bertin, Revoilà le soleil, et une collaboration avec la Norvégienne Ane Brun sur Laughter beyond the flames. On retrouve les influences country présentées ici par la pedal steel et un savant dosage de modernité et de tradition que n’aurait pas renié Leonard Cohen. L’authenticité et la sincérité transparaissent sur chacun des dix titres ; mention spéciale pour l’excellent Ils fument. À l’image d’un Murat, Hamon dresse une nouvelle fois un pont entre l’Amérique et la France avec élégance.

www.facebook.com/BaptisteWHamon

Mathieu Gatellier


GILLES VIGNEAULT

Comme une chanson d’amour

(EPM Musique)

Un nouvel album de ce grand monsieur de la chanson francophone est toujours un événement. Le poète, chanteur et conteur Vigneault aux quatre-vingt-dix printemps continue de creuser amoureusement et passionnément le sillon de la chanson à texte. De sa plume libre et inspirée, il décline au fil de ses douze titres des thèmes qui lui sont chers tels que la langue, l’amour et l’environnement. Un univers fait de chansons en partage réalisées avec la complicité de Jim Corcoran, orfèvre de la musique folk québécoise, ainsi qu’avec la patte de Julie Thériault pour l’orchestration et les arrangements. Un album conçu également sur la durée, durant quinze mois, dans lequel la saveur des mots se mélange délicatement avec les notes. Dans ce disque, Gilles Vigneault tire avec panache son épingle du jeu, prouvant au passage que les années n’ont pas d’emprise sur ce beau serviteur de la langue de Molière.

https://gillesvigneault.com

Fabrice Bérard


CASCADEUR

Revenant

(Decca)

Alexandre Longo, alias Cascadeur, se cache par pudeur sous un casque intégral. Il ne se dévoile que dans l’intimité de sa musique et de son home studio, le Cascadrome. Sur son quatrième album, cet auteurcompositeur-interprète et producteur ose enfin exprimer sa mélancolie en français. On se souvient de son duo en 2014 avec Christophe sur le titre Collector. Sur Revenant, la filiation artistique saute aux oreilles. Une voix androgyne qui survole des ambiances cinématographiques, une impression de lévitation due aux nappes de synthés dans un climat zébré d’éclairs électroniques. Un album hanté par les fantômes de l’enfance, où planent Les ombres claires et obscures de l’inquiétude. Un parfum de fin du monde (Rapaces, Back to life, Respirator), de rêves cotonneux (La nuit, In a dream), où le Silence qui traverse l’espace sonore prend toute sa place. Magnétique comme La promesse d’un autre avenir, d’une autre vie au grand jour.

www.facebook.com/cascadeursound

Sam Olivier


P’TIT BELLIVEAU

Un homme et son piano

(Bonsound)

Comme le disent nos cousins québécois, voilà un « pourri de talent ». Rejeton du Grand Jojo belge, frère pétard de Socalled et de tous les cerveaux admirablement fêlés, P’tit Belliveau continue de planer au-dessus des mêlées actuelles dans ce deuxième album, qui sent bon les volutes de protoxyde d’azote (gaz hilarant). Dans J’aimerais d’avoir un John Deere, l’ex-manieur de gouges et débiteur de rondins (charpentier) questionne notre rapport à la réussite sociale à travers les rutilants tracteurs. Le sculpteur sur synthés compose sans chichis, mais sous champis, des comptines faussement candides et plus virtuoses qu’il n’y paraît (Un homme et son piano). Musicalement, l’OVNI d’Acadie (J’feel comme un alien, c’est lui qui le chante) propose un pot pas pourri de chansons DIY aux sonorités lo-fi, de refrains pop acidulés, de complaintes country balancées au banjo et d’incursions dans le hip-hop. Inclassable.

www.ptitbelliveau.com

Benoît Merlin


NOUR

L’élégance des mots crus

(Asso Niz)

L’élégance. Le nouvel album de Nour n’en manque pas. L’artiste nous emporte dans sa bulle sensuelle, érotique, passionnée, faite de certitudes et de doutes, de force et de peurs, celle de la solitude par exemple dans Le grand vide. Entre doubles sens et jeux de mots (« Dans mon église aux saints de glace, j’allume au sommet de ton cierge… » dans Le cul-de-sac), Nour nous séduit et nous invite à découvrir notre facette libertine. Le premier titre, Impulsive, nous met l’eau à la bouche, et de notre bouche à ses mots crus, il n’y a qu’un pas, un pas vers l’intime, pouvant parfois être notre faiblesse et qui fait la force de cet album. Nour se met à nu, mais c’est les yeux fermés que nous écoutons ses mots, sa voix et la musique teintée de piano, de cordes et de percussions qui les habillent telles des voiles laissant apparaître des bouts de peaux, de maux. Laissez-vous faire, vous ne le regretterez pas.

www.facebook.com/nourmusique

Franck Inizan


MES SOULIERS SONT ROUGES

Faut se mêler

(Antal Productions)

MSSR, l’abréviation d’un groupe aux trente ans de carrière, de recherche, de création, d’expression. En permanente quête de nouvelles sonorités, de nouveaux instruments, sans jamais changer d’identité, les cinq globe-trotters nous embarquent dans un nouvel album dynamique et entraînant. À la croisée des chemins entre l’Irlande, le Québec, la Bretagne et la Normandie, les accordéons, flûtes celtes, mandoline, banjo et « uilleann pipes » (cornemuses irlandaises), cet album ne nous laisse d’autre choix que de danser dans chaque pièce de la maison, dans la voiture et à n’importe quel moment de la journée lorsque les premières notes résonnent. MSSR nous offre un huitième album aux saveurs particulières, et qui a vu le jour grâce à un financement participatif, comme le précédent, qui avait remporté un très grand succès. Le groupe part en tournée et la fête promet d’être belle.

https://souliers-rouges.com

Paul Gouzien


MARION RAMPAL

Tissé

(Les Rivières Souterraines)

« Marion Rampal a toujours été une empêcheuse de chantonner en rond », résume sa bio. Pas faux. Dans son nouvel album, l’autrice-compositrice marseillaise tisse de délicates fresques entre chaleurs afro-américaines et douceurs folk européennes, naviguant dans le blues, la soul, le jazz et la musique cajun. Il y a là les cordes sensibles du réalisateur et guitariste Matthis Pascaud, mais aussi des cuivres sensuels (trombone, tuba, soubassophone) et des confidences de piano. Le tout jusqu’à l’épure, telle l’hypnotique complainte Calling to the forest avec la légende jazz Archie Shepp ! Piers Faccini et la batteuse Anne Paceo sont également invités à ce festin nu. Au fil de ces dentelles tout sauf mécaniques, Marion Rampal dévoile son Île aux chants mêlés. De sa voix suave, sans filet, et avec son verbe délicatement créolisé, Marion convoque « la beauté naïve des musiques cajuns, du folklore louisianais. » Un Tissé haute couture.

www.facebook.com/pagemarionrampal

Youri


OUTRAGE

Pavillon noir

(Autoproduit)

Vingt-cinq ans au compteur, mais Outrage n’a toujours pas envie d’appuyer sur le frein ! Riffs ravageurs, tempos à cent à l’heure, cuivres qui s’envolent, ce Pavillon noir fleure bon la course-poursuite vers des idéaux libertaires et sans concession. Nous cueillant avec une pochette troublante de réalité vis-à-vis de la géopolitique actuelle, le groupe - qui profite de ce huitième opus pour revenir avec succès avec un nouveau chanteur - enchaîne les thématiques la rage au ventre : sentiment de supériorité, mesures liberticides, isolement, destruction de l’école… Outrage en a toujours sous la pédale, « envoie le son tout à fond », crache sa colère, fustige la bêtise, rêve envers et contre tout d’espoir et de solidarité. Ce ska punk festif à l’ancienne furieusement moderne, se conclut par Au revoir à bientôt merci, généreux condensé du partage et des promesses d’Outrage, propagés tout au long des douze titres.

http://outrage.free.fr

Benjamin Valentie


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