MARCIA HIGELIN
Prince de plomb
(Blue Line Records / Pias)
Crocodiles, spectres, dragons… Les intitulés des chansons s’apparentent aux chapitres d’un conte. Mais dans le premier EP de Marcia Higelin, les fées n’ont de place que si elles n’ont pas peur de passer les frontières. De Dakar à Paris, et d’une octave à toutes les autres, la jeune compositrice nous balade le long de ses mélopées soul. Ivresse assurée. Prince de plomb est composé de six titres trempés de poésie, portés par une interprétation moderne et singulière, qui donne du poids aux mots, et teintés d’une mélancolie presque rassurante. Après quelques lamentations de cordes, nous plongeons dans cinq chansons, où se mélangent les choeurs, comme des incantations arpégées sur un simple piano. Ça marche ! « Contre tes lèvres, je deviens immortelle », chante-t-elle sur Dragon, tigre ou loup. En écoutant Marcia, nous le devenons aussi. Le Mauvais sort est lancé, on rappuie sur play !
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Pauline Savatier
POGO CAR CRASH CONTROL
Fréquence violence
(Panenka Music)
Si d’aucuns pourraient qualifier ce troisième round discographique comme plus étoffé que ses deux prédécesseurs (déjà très réussis), une chose est sûre : le quatuor est toujours aussi radical et énervé. Après une entrée fracassante sur Tourne pas rond, furieusement détonant, P3C annonce d’emblée la couleur, ou plutôt les couleurs. Car le voyage sera polychrome de férocité ou ne sera pas ! Riche d’un univers cinématographique ultra-référencé (Traitement mémoire, Criminel potentiel, Tu peux pas gagner), l’album des incorrigibles Seine-et-Marnais navigue entre narration dystopique et parfums contestataires, au service d’un propos très politique et sociétal. Côté musique, les productions léchées d’une esthétique de plus en plus metal portent avec toujours plus de maturité leurs rêveries rock agitées. On saluera enfin l’excellent travail réservé à l’artwork, d’une superbe violence.
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Xavier Lelievre
MPL
Bonhommes
(L’Amirale)
Faut-il vraiment encore vous les présenter ? Le quintet MPL n’en finit plus de nous enthousiasmer. Il livre un nouvel album qui nous procure un sentiment de bien-être musical très aphrodisiaque, sur lequel ses textes se posent avec gourmandise. Ces cinq garçons ont le sens du phrasé parfait et de la rythmique joyeuse. C’est une plongée dans l’intime à travers des tranches de vie, sur lesquelles chaque thème musical se pare d’un son pop riche en guitares et en sonorités électroniques. Dans ces récits, on parle de virilité masculine abusive (Bonhommes), de disparition (Sur une échelle), de séparation mélancolique (Histoires anciennes) et d’envie de pantoufler (Maison). On se confronte à ces références et on se réconforte grâce à ce sentiment mêlé de nostalgie et d’allégresse au fil des huit titres qui s’écoulent à une vitesse folle. Sur une échelle de 1 à 10, on approche aisément la note maximale pour cet album !
Quentin Börner-Hingrand
FLORENT MARCHET
Garden party
(Nodiva)
Depuis 2014, Florent Marchet s’est écarté de sa carrière solo pour se consacrer à d’autres projets. Il revient avec Garden party, un album concentrique qui explore son univers et les strates qui le composent. Sur le ton de la confidence, Florent nous embarque dans un piano-voix chaleureux et apaisant, un poil mélancolique. L’écriture profonde aborde l’amitié, la famille, la vie de quartier et l’envers du décor des petites histoires. L’orchestration caresse les textes avec tendresse. L’ingénieur du son, Loris Bernot, propose un traitement musical inventif, créant une ambiance particulière entre section de cuivres et piano, en passant par l’utilisation des ondes Martenot. Le titre De justesse touchera les parents qui retrouveront les peurs inhérentes à l’éducation de leurs enfants. Avec Freddie Mercury, le chanteur décrit avec sensibilité la perte d’un être cher disparu dans les limbes du temps qui passe.
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Jean-Hugues Mallot
THE FAT BASTARD GANG BAND
Keskidi
(Belka)
Gare aux sonotones ! Les nouvelles piñatas du gang des Lyonnais vont décrasser les tympans et les bassins. Keskidi ? Bouge ton corps sur le « balkan beat », michto ! Faisant de grands écarts entre les répertoires traditionnels des Balkans et de la Méditerranée, mais aussi le funk et le ska au tempo TNT, les musiciens aux semelles de vent soufflent chaud et électro sur la sono mondiale. Joyeusement cuivrés, ces Gros Bâtards. Rêvant en romani sur leurs albums précédents, ces drôles de punks du FBGB (version Rom des Ramones) reviennent au français pour dérouler loufoqueries (Keskidi) et chroniques sociales (Faut pas rêver), lorgnant les digressions et les lâchers de poules d’une fresque foutraque d’Emir Kusturica. Comme souvent, balkanique rime avec volcanique, sauf qu’en l’occurrence, le « bohemian groove » de FBGB se nourrit des complaintes des nomades et de leurs violons déchirants. Tout sauf des pastiches.
Youri
PMQ L’ÉLÉGANCE VOQALE
Plaisirs partagés
(Le Terrier Productions)
Il n’y a pas à tortiller : la chanson paillarde trouve avec ces Plaisirs partagés de belles voix occultes. Interprétées au poil avec l’élégance de l’a cappella, Charlotte et Fernande ont le feu au Q, le curé de Camaret danse sur l’air des Blues Brothers, Un dimanche matin sur celui de YMCA, Cocuage et crustacés (Vincent Roca) s’envoient en l’air sur la mélodie de La Madrague. Harmoniquement irréprochables, les sept de PMQ ont invité, entre autres, LEJ, Les Divalala, Jeanne Plante, Jean-François Novelli, Les Ogres de Barback, GiedRé, Oldelaf et Frédéric Fromet à s’enchevêtrer oralement. « Les chansons de salle de garde ont toujours été de mon goût, et je suis bien malheureux, car de nos jours, on n’en crée plus beaucoup », regrette Brassens dans sa sulfureuse chanson, Mélanie, reprise ici par Maxime Le Forestier, et l’on ne peut que le déplorer. Alors que quand on pense à Fernande…
Sam Olivier
ASTÉRÉOTYPIE
Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme
(Air Rytmo)
La Drôme est une terre d’insoumis. Clairement, là-bas, aucun mec ne ressemble à Brad Pitt, ou à la rigueur dans sa période Fight Club. Dans ce troisième album, le collectif de dynamiteurs postpunk, formé il y a deux quinquennats à l’Institut médico-éducatif de Bourg-la-Reine, autour du guitariste-éducateur Christophe L’Huillier, croque les absurdités de la société sans filtre ni concession. Voix blanche, paroles surréalistes. Comme le scande la nouvelle recrue Claire Ottaway, « la vie réelle est agaçante ». Alors, autant la tordre. Guitares psyché-rock saturées, digressives, disruptives, claviers chaotiques, textes dada, slamés, posés ou vociférés, pour une musique plus nerveuse qu’une saucisse sèche… Astéréotypie balance ses titres comme des coups de latte aux fesses de la société de consommation (iPhone X, Joseph Da-xrus). Le monde est stone, sauf dans la Drôme.
Benoît Merlin
JÉRÉMIE KIEFER
Exode
(La Couveuse)
Quatre ans après Manifeste, Jérémie Kiefer dévoile le deuxième volet de sa trilogie dédiée au temps, Exode. Sur des musiques pop envoûtantes, l’artiste se questionne sur les relations amoureuses. Nostalgique, tendre ou mélancolique, il fait preuve encore une fois d’une belle maîtrise de l’écriture. Lèvre ouverte, sur fond de percus, traite de la rupture. Dans La recherche, son regard est empreint de plus de nostalgie. Exode nous rappelle que l’amour peut parfois nous mettre dans un état second… L’interprétation est tout en douceur, mise en exergue par le jeu instrumental et les choeurs aériens. À l’orange vient contrebalancer la sensation d’apesanteur qui nous envahit, avec une rythmique plus effrénée. Un instrumental, La mesure du temps perdu, se glisse en guise d’intermède, et l’album se clôture en douceur avec une formule guitare-voix bien sympa, Avant la fin. Un ensemble bien pensé qui mérite une écoute attentive.
Sandrine Palinckx
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