Les 8 indispensables du numéro 96


ARNO

Opex

(Pias)

Poétique comme un titre de blues, Opex est le nom d’un quartier d’Ostende, relié à l’enfance d’Arno. Là se trouvait le café Chez Lulu (prénom de la mère du chanteur), tenu par ses grands-parents. C’est une joie et un chagrin d’écouter les dix titres de son chant du cygne. Joie de le retrouver et chagrin de savoir que c’est la dernière fois, car « Les jolies chansons ne tuent pas la réalité », comme il le clame dans le piano-voix Court-circuit. On retrouve son autodérision quand il regarde La vérité en face (« Hier, c’était le passé ; aujourd’hui, la vérité »), titre composé avec son fils Félix, dans l’hymne Boulettes (« On s’en fout, on fait la fête, embrasse mes deux boulettes ») et dans Honnête (« J’ai vu mon destin dans tes yeux »). Arno a même réussi à exaucer son voeu le plus cher : chanter en duo avec Mireille Mathieu sur La Paloma adieu. Opex sonne comme un bon vieux blues du tonnerre, à vous faire chialer quand sur la ville tombe la pluie.

www.arno.be

Sam Olivier


STUPEFLIP

Stup forever

(Dragon Accel)

Le temps n’existe pas chez Stupeflip. Ce Stup forever, arrivé par surprise après cinq ans de silence, continue d’étendre l’univers bizarrement bienveillant sorti de l’esprit du redoutable King Ju. Convoquant sa douzaine de personnalités, de la plus cool à la plus impitoyable, l’homme à tout faire - pochette, paroles, sons, mix - reprend les codes de ses quatre précédents opus et les colore de nouvelles nuances. Plus concentré, tendant vers l’essentiel, Stup forever regorge de titres imparables et entêtants - Tellement bon, L’truc explosif, Sharkattack - dans lesquels les habituels mépris envers les aigris et les vaniteux, terreurs enfantines, addiction aux psychotropes ou quête du son parfait s’incarnent dans des atmosphères toujours denses et riches en trouvailles. À la fois dark et lumineux, introspectif et universel, ce nouveau chapitre du crew consacre pour toujours la créativité de cet artiste hors-norme.

www.stupeflip.com

Benjamin Valentie


MICKEY 3D

Nous étions des humains

(Warner)

Six ans après Sebolavy, Mickaël Furnon est de retour en 3D avec un album introspectif et nostalgique. Douze chansons intimes et universelles aux mélodies pop imparables. Le son est organique, les arrangements de Thierry Bon sentent bon l’acoustique et la réalisation de Bruno Preynat apporte une touche d’électro. Le ton est parfois sarcastique (le reggae autocritique N’achetez pas mon disque, et Je croyais), parfois sensible comme une poussée d’acné (Un idiot sous la pluie, Un œil sur toi, Lettre à Louison). Le formidable mélodiste et parolier se penche sur son vécu (Émilie dansait, Je me souviens) et constate la perte de sa jeunesse et le déclin de notre société (La danse des éléphants, Nous étions des humains, Mon pays est tombé - superbe piano-voix, Les réseaux sociaux, glaçant de véracité, Rien ne vaut demain). Cet album « bon comme une glace au chocolat italienne » installe Mickey 3D dans la cour des grands.

www.mickey3d.com

Sam Olivier


PHAON

Phobie nocturne

(Fredrich Monster Records)

Sélectionné parmi les Inouïs du Printemps de Bourges 2022, le quatuor limougeaud débarque avec un triptyque en guise de deuxième EP. En seulement trois tableaux, Phaon déroule une fresque qui ferait saliver un Alejandro Jodorowsky. Présentation : Phaon verse dans la pop et le rock des années 80, entre Darc et Daho, limite Lescop, via des déluges de synthés et de guitares saturées pour des décors dark et des crescendos hypnotiques. Ça monte, ça explose, ça replonge et ça réverbe comme dans un trip à Joshua Tree. On le sait, le Limousin est un coin à champignons et on doute que les quatre beaux gosses courent les girolles. La preuve avec le troisième titre, Pt. III, à l’intitulé bien trop sobre pour cette hallucination de six minutes, une baston de lames de xylophone, de six-cordes sauvageonnes, de fûts tabassés et de synthés poisseux à souhait. Grâce ou à cause de ce Phobie nocturne, vous n’êtes pas près de dormir.

www.facebook.com/Phaonband

Benoît Merlin


SÉBASTIEN LACOMBE

Le chemin des possibles

(L-A be)

Voici le sixième album studio de l’auteurcompositeur-interprète québécois. Au programme, onze pièces musicales folk qui nous emportent sur de nombreux chemins. Ce disque s’ouvre sur le titre Far West, un morceau qui n’aurait pas déplu à l’immense Ennio Morricone. L’influence du compositeur italien se retrouve tout au long de cet album aux ambiances aériennes et cinématographiques. Les cordes majestueuses, les arrangements riches et orchestraux, agrémentés de trompette et de guitare blues, nous accompagnent dans ce voyage. Un opus très personnel et intime pour l’artiste qui se confie sur la mort de son frère et qui écrit une lettre à ses fils sur l’avenir de notre monde à reconstruire. Avec poésie et talent, Sébastien Lacombe s’exprime sur le cycle de la vie, les chemins possibles, et nous emmène dans sa quête d’un monde meilleur.

www.sebastienlacombe.com

Grégory Couvert


APPELEZ-MOI FRANÇOIS

Appelez-moi François

(LCDD)

Parfois, un disque frappe chez vous au bon moment. Vous lui ouvrez alors que vous voyagez dans un train de banlieue au petit matin. Un peu distrait, vous écoutez une voix sucrée vous vanter ses mérites, sur une bande-son aux rythmiques Bontempi, synthés choisis et basses élégantes. Vous êtes bien, vous souriez, vous trouvez cela aimable. Et puis, au prix d’une ballade sentimentale, au moment même où le soleil crève l’horizon, le chanteur vous dit : « Regarde, on a brûlé l’aurore. » La magie opère. Vous repensez à l’intégralité du voyage parcouru avec Appelez-moi François, vous vous sentez de plus en plus séduit par leur piano tout droit sorti de Ziggy Stardust (Aurore), par un improbable gimmick de flûtes à bec (On ne choisit pas), par la fausse nonchalance des refrains (« Retourne au pays / et deviens Mohammed Ali »). Et vous espérez que cet impeccable duo frappera à nouveau à votre porte.

https://appelezmoifrancois.com

Pierre Marescaux


COLINE RIO

Lourd et délicat

(Baronesa)

Doucement tirées de leur écrin de coton, les berceuses enchantées de Coline Rio brillent à la lumière du jour et inondent le paysage musical actuel de leur éclat magnifique. Dans une démonstration virtuose de délicatesse, la musicienne fait un pas de côté de son projet inuït pour défendre cinq capsules pop redoutables, aux secrets aussi sincères que profondément intimes. De sa jolie plume, la Nantaise raconte l’amour et ses échecs (Se dire au revoir, Lourd et délicat), comme le courage et l’acceptation de soi (On m’a dit) ou encore les états d’âme d’un corps confiné en mal de liberté (Horizon). Sobres et épurées, mais jamais timides pour autant, les composantes de son répertoire séduisent par leurs adorables mélodies et nous rappellent comme il est doux de s’abandonner à une écoute contemplative et apaisée, en attendant un format plus long qui, on l’espère, ne tardera pas trop à nous être offert !

www.facebook.com/ColineRio.page

Xavier Lelievre


JEANNE PLANTE

Quand les poules auront des dents

(Victorie music / PIAS)

Cela fait plusieurs années que Jeanne Plante s’est imposée comme une artiste incontournable de la scène musicale française jeune public. Cette fois, elle revient avec Quand les poules auront des dents, qu’elle définit elle-même comme un « thriller musical familial ». À travers onze chansons articulées autour d’un dialogue entre un petit garçon et son chien, elle aborde un sujet d’actualité qui ne peux que concerner les êtres humains, à savoir : doit-on manger les animaux ? Le chien gourmand, dont les instincts lupins sont toujours bien présents, ne comprend pas les atermoiements de son jeune maître, outré qu’on puisse lui proposer de manger, lors du repas familial, Coco, le coq de la voisine. Au rythme des guitares et des percussions énergiques, Jeanne Plante en profite aussi pour décortiquer de façon amusante des expressions de la langue française comme des Larmes de crocodile ou Poser un lapin.

www.jeanne-plante.com

Julie de Benoist


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