Les 8 indispensables du numéro 97


YVES JAMAIT

L’autre

(Wagram)

Yves Jamait est de retour avec un nouvel album de treize titres, L’autre, dans les bacs le 7 octobre, couplé à une tournée intitulée Le tour de l’autre. Comme son nom l’indique, à travers ce disque, Yves Jamait s’intéresse à cet autre « pour qui l’autre, c’est moi ». Il explore tous ceux qu’il n’est pas ou plus comme dans Mon garçon ou Une vie. Il nous offre des titres intimistes, teintés d’un peu de nostalgie et d’une certaine urgence face au temps qui passe (À marée basse, Pas le temps). L’autre, c’est aussi des rencontres, notamment avec des femmes, celles avec lesquelles le chanteur s’est construit (Elle est, Quelqu’un quelque part, Sur ta bouche), mais c’est surtout, comme à son habitude, des textes poétiques portés par des instruments allant de la guitare au piano et de l’accordéon au violon. Yves Jamait se livre sans filtre, un homme Un peu bancal, mais qui continue à avancer dans le partage généreux de son art.

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Julie de Benoist


LES VULVES ASSASSINES

Das kapital

(Le Pays Aéré)

Les Vulves Assassines ne sont pas là pour faire dans la dentelle. Sur des rythmes rap, techno, rock et punk, les mots acides des onze titres qui composent cet album sont des directs du droit et des uppercuts qu’on se prend en pleine gueule. Les Vulves Assassines sont féministes et, avant tout, militantes. Des titres comme La retraite avec son refrain « La retraite à 60 ans, on s’est battus pour la gagner, on se battra pour la garder » constituent des slogans pour de futures manifestations. Le premier single de ce disque, Tu veux baiser, ne laisse aucun doute sur les intentions du groupe : ce texte sur la banalisation du sexe, dont sont victimes les nouvelles générations, est un signal d’alerte qui vise à dénoncer et à nous protéger des dérapages. Das kapital croque un monde où tout s’achète, où tout se revend… sauf Les Vulves Assassines, qui ne comptent pas se laisser faire.

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Franck Inizan


LÉNINE RENAUD

Le petit musée

(At(h)ome)

Ce dernier album de Lénine Renaud est entièrement construit autour du thème de la peinture. Douze titres qui nous font voyager à travers le troisième art en commençant par les peintures rupestres de la préhistoire et qui nous emmènent de Toulouse Lautrec à Leonor Fini. Une exploration de la grande histoire par la petite, comme celle d’un veilleur de nuit ou des personnages de tableaux célèbres de Renoir ou Hopper, qui prennent corps et vie dans des textes savoureusement écrits et interprétés. La diversité des thèmes et des époques abordés n’a d’égal que celle des instruments mis en avant, de la guitare électrique à l’accordéon, avec des styles musicaux variés allant d’une ambiance de guinguette à celle d’un bar de jazz, en passant par la country et les rythmes latinos. Album intelligemment construit, Le petit musée est un concentré de culture à la sauce populaire.

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Julie de Benoist


ALEE

Nouveau printemps

(It’s OK)

Alors que le Collectif 13, au sein duquel il officie, s’offre une petite pause, Alee revient en solo avec un nouvel album de dix titres, qui oscillent entre rap et chanson française, avec des textes forts et sans concession. Pourquoi s’embarrasser de fioritures quand on peut aller à l’essentiel ? Il remet ainsi les pendules à l’heure concernant les comportements machistes dans Avant d’être un homme, appelle à la tolérance entre les peuples en reprenant le titre de Pierre Perret, Mélangez-vous, se fait le porte-parole des oubliés permanents d’un système en crise (Trouver l’équilibre, Dans le ciel, Les fleurs, Soigner encore) et nous rappelle que tout est question de choix dans la vie (À cœur ouvert, Nouveau printemps). Instruments électriques et acoustiques portent l’ensemble avec efficacité et nous invitent à nous laisser griser par les notes. La rentrée s’annonce prometteuse pour Alee. À suivre !

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Sandrine Palinckx


ALYSCE

Je veux savoir

(Radio Lily / La Couveuse)

Après un premier EP accrocheur, Désir de révolte (2017), Alysce continue de nous surprendre avec ses nouvelles merveilles (réalisées par David Lewis de Paris Combo). Elle pose un regard tendre, parfois circonspect, sur les fourmilières humaines, s’interroge sur l’amour, la place des femmes et le Prêt à penser. D’une voix nue, posée au premier plan, l’artiste déroule ses mélopées pop-folk entêtantes et ses chants funambules, accompagnée de délicats traits de guitare jazz et d’échos de cuivres. Coup de coeur pour l’hymne féministe Daphné (« Je suis libérée, moi la sauvage apprivoisée / Je vais pouvoir jouer les trophées pour des barbares bien habillés / Ce soir, je vais lutter »). Sans oublier la sublime ballade Le goût de la lenteur. La sobriété heureuse subtilement illustrée d’un slow tempo et d’un aérien crescendo. « Je ne vais pas m’excuser d’exister » (J’ai renversé la table). Sûrement pas !

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Bob Bémol


NAUDIN

Chant contrechamp

(Art Disto)

À table avec Audiard. Plus tonton flingueur que gangsta rappeur, le contrebassiste fait le grand écart entre le hip-hop et les B.O. de Nino Rotta, le rap game et le cinéma de Melville et Lautner. Pour sa nouvelle virée parmi les barons (souvent marrons), Naudin replonge dans les bas-fonds des années Giscard, à travers la chute de Paul Ronet, suite à un braquage raté. Il décrit la préparation du casse, les entrepôts de Cachan, Tony le Corse, les truands au grand coeur, leur code d’honneur et leurs pathétiques erreurs… La contrebasse dialogue avec les arpèges de piano, les petites frappes de cymbales crash et les textes slamés en plansséquences. Sur La seule fenêtre, via une guimbarde claudicante, un harmonica plaintif et des sirènes de trompette, Naudin compose la bande-son d’un western moderne pour évoquer les solitudes numériques. Passionnante cette fresque des années schnouf-grisbi-tête de veau !

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Youri


GYSLAIN.N

Danser sous les bombes

(Tchookar production / Label plume)

Il était attendu ce premier album de Gyslain.N, après trois EP sortis depuis 2017. Avant tout auteur, Gyslain saupoudre d’espoir un monde qui en manque souvent. Le discours du chanteur-slameur est de ramener du soleil dans nos vies, rien ne nous empêchera de Danser sous les bombes. Il « marche à la lumière des lucioles, qui éclairent [son] destin ». Il rend hommage aux oubliés, aux Petites vies qui « ont fait tout ce qu’on [leur] dit ». Gyslain Ngueno nous tend la main (Prends ma main) pour nous inciter à porter notre regard Sur les plus belles beautés du monde. Cet album, en formule basse, batterie, clavier, est arrangé par Julien Jussey. L’identité de l’artiste se construit au fil de diverses influences, jazz, world, rap ou rock. Espoirs confirmés avec ce disque lumineux et optimiste. Les mots de Gyslain.N aident à trouver un peu de courage pour les jours à venir.

https://gyslain-n.com

Stéphanie Berrebi


SÜEÜR

Ananke

(RCA/Sony)

Ça cogne, ça claque, ça suinte, Süeür va coller des suées à tous ceux qui pensent que tout est au mieux dans le meilleur des mondes. Coup de latte ou méthode Coué, à chacun sa technique de développement personnel. Dans ce deuxième album uppercut, Théo Cholbi, désormais en solo et toujours aussi saignant, balance son flow frontal sur des instrus poisseuses aux tempos apathiques : jouant à saute-boutons entre nappes synthétiques et orchestrations lo-fi, arpèges acoustiques et cordes alanguies, voire un cello mélanco sur Clémence, Théo désirait sortir un « opéra grunge-rap aux orchestrations complexes ». Éloge de la volute. Cela n’empêche pas les textes d’être d’une rare précision, d’une douce subversion, la scansion au couteau, l’artiste interrogeant « les chemins de pensée » et tous « les démons à asseoir ». Sur Noir dark, il syncope : « Combien de cordes à ton arc ? Ne t’en sers pas pour te pendre. »

www.facebook.com/sueurdenous

Benoît Merlin


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