Les 8 indispensables du numéro 98


BANCAL CHÉRI

Tokoto

(Printival)

C’est avec gourmandise que nous découvrons le nouvel album de Bancal Chéri. Le casting de ce quatuor composé de Roland Bourbon, Nicolas Jules, Imbert Imbert et Dimoné est déjà extrêmement attirant, mais il réussit encore et toujours à tenir ses promesses, et même au-delà. Sonorités rock, rythmes lancinants, équilibre des voix des trois chanteurs expérimentés, qui se partagent tour à tour les onze titres de Tokoto et apportent chacun leur personnalité atypique dans l’univers de la chanson française. Noirceur, cynisme et décalage sont au rendez-vous dans ce disque aux textes tranchants et poétiques, qui se positionnent farouchement contre la médiocrité ambiante et l’absurdité du monde, avec l’effronterie désinvolte chère à ses interprètes. Comme Nicolas Jules le chante dans Plein été, les titres de Tokoto sont des « baisers dont je sens encore les dents ».

www.facebook.com/bancalcheri

Julie de Benoist


DAPHNÉ

Dix fleurs d’amour de Barbara

(EPM Musique)

En 2012, Daphné avait sorti un bel et émouvant album, Treize chansons de Barbara. Elle renouvelle l’expérience avec Dix fleurs d’amour de Barbara. C’est avec le pianiste Étienne Champollion, également chargé des arrangements, que ce CD a été réalisé. Ils ont réussi un vrai travail de recréation, qui surprend et enchante. On redécouvre certaines chansons et on découvre quelques chants méconnus. Ils revisitent avec succès des titres célèbres comme Je ne sais pas dire, Sans bagages et Nantes. Et ils remettent en lumière la superbe Fleurs de méninges de Moustaki que Barbara chantait en 1962 avec son auteur ; c’est François Morel qui est le partenaire de la chanteuse pour ce duo des plus réjouissants. La voix de Daphné et les accompagnements de Champollion sont d’une grande délicatesse. Une émotion intense s’exprime dans leur interprétation de Barbara, dont le chant revit une fois encore.

www.daphneofficiel.fr

Yves le Pape


GRÈN SÉMÉ

Zamroza

(Markotaz/The Garden/Lusafrica)

Sorti il y a cinq ans, le précédent album du Réunionnais Carlo de Sacco et de sa bande de semeurs de graines s’intitulait Hors sol. Avec Zamroza, ils reviennent sur terre, la foulent et la traversent, jouant une fois de plus à saute-frontières. Tellurique, parfois cosmique, le maloya 2.0 de Grèn Sémé se teinte de nappes électro, de déchirures de guitares, de transes indiennes (le déchirant Bhopal sur cette ville sinistrée par une catastrophe chimique en 1984), de chanson et de flow hip-hop (le tribal Poussière avec Gaël Faye). Sublimes crescendos en mode créole. Grèn Sémé questionne les sociétés modernes, les dogmes religieux (À quels saints ?), brocarde les manipulations du capitalisme (Catéchisme citoyen). Et si on changeait de palette ? « J’aime ce processus de "créolisation", car il crée de l’accidentel, de nouveaux paysages, de nouveaux sons, de nouvelles langues », résume Carlo de Sacco.

https://gren-seme.re

Benoît Merlin


THE HYÈNES

Krakatoa unplugged sessions

(Upton Park)

« On a fait de la peur un fonds de commerce » (Johnny vs Johnny), « L’amour, ça n’est jamais que du cul » (S’il avait fait beau), « Qui eût cru que notre planète aurait eu raison de nos galipettes » (Ici-bas). N’aurait-on pas affaire aux rois de la punchline ? C’est un pur délice de redécouvrir les titres des Hyènes, majoritairement extraits du dernier album Verdure, dans cette version débranchée. L’esprit punk passe par les riffs de guitares de Vincent Bosler et Luc Robène, les rythmes endiablés du tipi drum de Denis Barthe et le Fender Rhodes de Guillaume Schmidt. Qu’est-ce que le punk sans engagement ? Nos Bordelais, qui avaient invité Poutou à jouer dans leur clip Bègle, n’en manquent pas. Ils dressent le simple constat d’être pris pour des cons par nos dirigeants avec ce petit goût qui revient dans chaque titre de « tel est pris qui croyait prendre », qui leur pend au nez. Vital.

www.facebook.com/thehyenes

Stéphanie Berrebi


KOHNDO

Plus haut que la tour Eiffel

(La Couveuse / Baco)

À travers le périple de Manga, un jeune déserteur de l’armée béninoise parti « se mesurer à la tour Eiffel », KoHndo raconte l’exil, les fausses promesses, les mains tendues, les mirages de l’Eldorado. Coécrite par Laurent Colombani pour neuf musiciens et un danseur, cette fresque humaniste s’appuie sur les témoignages de réfugiés et se colorie des paysages sonores des contrées traversées. De l’Afrique (dés)enchantée à la soi-disant ville des Lumières. Dans Le monde m’appelle, le rappeur francilien d’origine béninoise, ex-MC de La Cliqua, détaille son imposant arsenal musical en jonglant avec une cigarbox blues, des cuivres rhythm and blues et des choeurs soul sur un groove hip-hop. De-ci, de-là, des cocottes funk, des riffs rock, une complainte rumba catalane et une ballade de balafon, sans oublier des duos de choc avec, entre autres, le rappeur Demi Portion et la chanteuse flamenca Paloma Pradal. Grandiose.

www.facebook.com/kohndo1

Ben


LENT

Au galop

(Araki Records / Tricollectif )

C’est avec notre second degré légendaire que nous avons accueilli ce deuxième album à la pochette pour le moins décalée. Lent sort Au galop, et par là, fait montre d’un humour certain, surtout lorsque l’épopée démarre par une cuite en bonne et due forme au bar (Bière-feuille-ciseau). Attention, Lent ne fait pas dans le « tagada tsoin tsoin » pour autant et prouve que pour déconstruire, il faut savoir construire. Les cinq musiciens « bien formés », venant du jazz, du classique ou du rock, sortent des sentiers battus et redéfinissent l’alternatif. Il en ressort un album génial, où les instrus ont la part belle, offrant montées puissantes, ruptures surprenantes, passant des musiques bien lourdes à des choses plus aériennes, où l’humour sert un propos réfléchi (Selfie de toi). Dans les influences citées par le groupe, on trouve Katerine, Anne Sylvestre, David Lynch et Angelo Badalamenti. On aime la fougue de Lent.

www.facebook.com/lentlentlentlent

Stéphanie Berrebi


LE ROI ANGUS

Sosie

(Zamora)

Le Roi Angus, c’est l’auteur-compositeurinterprète Casimir M. Admonk, entouré de trois musiciens d’une subtilité rare dans la maîtrise de leurs instruments (basse, guitares, batterie). Magnifiquement réalisé par Renaud Letang, Sosie est l’album du couronnement pour le groupe genevois. Un classique instantané dans le genre indie-pop au son chaud et charnel. On déguste ces morceaux de roi en pensant au barré et poétique disque Obsolete de Dashiell Hedayat. On retiendra Les mots simples qui « disent presque tout » et qui ont la modernité échevelée d’une chanson d’Yves Simon, mais aussi ce Sosie brossé sur le tempo alangui d’une basse nonchalante, d’une guitare wah-wah et d’une cuica. Ou encore Sirènes et ses sept minutes planantes « au fil de l’onde ». Avec ses orchestrations majestueuses aux ambiances cinémascope et ses textes cryptiques, Sosie est-il un énigmatique songe d’une nuit d’été ou un cauchemar climatisé en plein jour ?

www.leroiangus.com

Sam Olivier


FRANÇOIS POITOU & PUMPKIN

Arômes complexes

(Yovo Music)

Complexes et détonants, ces arômes. Après avoir conjugué jazz et musique de chambre dans ses deux premiers albums, le contrebassiste montreuillois plonge cette fois-ci dans le hip-hop en invitant la rappeuse nantaise d’adoption, connue pour son duo avec le beatmaker Vin’S da Cuero. Noces des cordes funambules et du flow frondeur. D’un côté, François Poitou à la tête d’un quartet (trompette, sax ténor, clarinette basse, contrebasse, basse, batterie) ; de l’autre, Pumpkin, sa scansion au couteau, ses punchlines dada, jamais gangsta. Pas d’instrument harmonique, la fusion fait la force. Le posse de Poitou évite avec brio l’écueil du énième face-à-face entre deux gangs du groove. Non, il s’agit là d’une danse collective sur le ring des rythmes frappeurs, à l’image de la série de titres Les deux pieds (dans l’eau, dans le sable, sur le bitume). Ou comment regarder ses pompes pour prendre de la hauteur.

www.francoispoitou.com

Youri


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