Les 8 indispensables du numéro 99


SAMUELE

Une paillette dans l’engrenage

(InTempo Musique)

Cinq ans après un premier essai remarqué des deux côtés de l’océan Atlantique, Samuele revient avec un album oscillant entre rock musclé et pop légère, d’où ressortent majoritairement guitares et claviers, accompagnés de cuivres, basse et batterie. Tout au long de ses treize titres, le chanteur parle de sa transformation, « J’habite mon corps, je le décore comme je l’entends » (La noix de coco), rêve d’un monde Pastel, « où le corps n’est plus frontière ». Samuele partage ses états d’âme : optimiste dans La machine alors qu’il rêve d’un monde où « tout le monde arrive à s’écouter », où l’on comprend que Non est une phrase complète. Réaliste en décrivant le « mansplaining » (Tu parles, tu parles), amoureux (Ta toune), mais aussi souvent angoissé (La peur, Anxiété high). Ce disque est une palette d’humanisme, de sentiments décrits avec des mots simples, sincères, où l’écriture semble apaiser colères et peurs.

www.samuelemusique.com

Stéphanie Berrebi


TIM DUP

Les immortelles

(Sony)

Ce 4e album s’ouvre sur un mélancolique arpège de guitare acoustique, une chanson pour un voeu. Si je m’écoutais vraiment. Tout au long des treize titres, Tim Dup multiplie les cocons de cordes (guitare, piano) et les voiles électro, convoque quelques orages électriques et une voix de velours, à confesse. Des mises à nu, des prises de distance avec ce damné ciboulot. Jeux de Dup. Mixé à New York avec Fab Dupont, ce disque à la précision d’horloger et aux arrangements a minima est né sur la route, en janvier 2022 ; il est marqué par les élans et les chutes de l’artiste en tournée. Il y a là des « soirées de fin du monde », un « chalet au fond d’un fjord », un ange oriental au parfum d’orange, mais aussi une battle de mélopée et de flow avec Eesah Yasuke (Le fil) et une immersion poignante dans Le club des 27, ce cimetière des rock stars parties trop tôt. Malgré tout, il y a la vie et Les immortelles, une complainte au piano que n’aurait pas renié Barbara.

www.timdup.com

Ben


MATMATAH

Miscellanées bissextiles

(Upton Park)

Qu’il est bon d’entendre de nouveau résonner les véhémences rock de la rade de Brest, nous rappelant qu’un village d’irréductibles celtiques résiste encore et toujours à l’envahisseur ! Après un retour triomphal sur scène, le combo breton confirme son come-back et nous offre enfin le digne successeur de Plates coutures, sorti il y a cinq ans. Entre hymnes agités et redoutables (Le rhume des foins, Obscène anthropocène, Fière allure ou encore De l’aventure), édifices monumentaux (Erlenmeyer) et exquises petites ballades mid-tempo dont le groupe seul a le secret (Populaire, Brest-même, Hypnagogia, Bet you and I), Matmatah nous prouve que la ouache est encore intacte, quitte à faire mentir les mauvaises langues qui annonçaient prématurément la mort de leur esprit bretonnant, avec un Trenkenn Fisel d’Antaology (compilation sortie en 2015) et son final magistral. Jamais le crachin armoricain n’aura été aussi revigorant.

https://matmatah.com

Xavier Lelievre


MONSIEUR LUNE

Écrans plats

(Papalune Productions)

Entrez en apesanteur ! Après une virée chez Renaud et des spectacles jeune public, Monsieur Lune revient à des chansons intimistes toujours portées par son talent de mélodiste. Il nous convie à un alunissage en dix chansons. Léger sans être frivole, concerné sans être lourd (On achève bien les pauvres), il regarde de là-haut notre monde au télescope. Il y a toujours dans ses mots un léger décalage avec la vie (Aller là-haut), il y a l’âge, le côté plus mature sans être déconnecté, comme dans Écrans plats, avec une musique pop pour dézinguer les bulles dans lesquelles on s’enferme. Album qui se termine par Cabu, hommage à l’homme et à sa vie. Il a gardé ce regard acéré qui fait qu’on écoute toujours un album de Monsieur Lune plusieurs fois pour réentendre les images et regarder les mélodies (réalisées par Sébastien Collinet). Il se dit même que ce disque est la première pierre d’un spectacle. Préparez-vous pour le voyage.

www.monsieurlune.fr

Grégoire Thion


OAI STAR

Zulu Oscar Bravo India

(It’s OK / Baco)

ZOBI. Quatre lettres qui valent bien plus qu’un long discours quand on a les boules ! Oai Star a rebranché les guitares électriques comme à l’époque des débuts et sorti le perfecto pour dire ce qu’il avait dans le ventre. Avec Foutez-nous la paix ! en guise d’étendard, le gang marseillais continue de s’attaquer à la bêtise et à l’égoïsme, tout en conservant un optimisme et une motivation sans faille. Leur imagination pour nous embarquer dans des histoires improbables est toujours sans limites, que ce soit dans un jeu radio avec Guillaume Meurice (Le point commun), dans une quête philosophique sur le sens de l’expression Comment ça va ? ou dans les coulisses d’un improbable (?) concert de Oai Star au Hellfest. Au-delà de l’apparente autodérision, Gari Grèu et ses acolytes fédèrent autour des douze titres de leur septième album en un quart de siècle toute la rage et l’espérance de ceux qui aiment la vie.

www.facebook.com/oaistar

Benjamin Valentie


SOPHIE MAURIN

Longitudes

(37° Sud)

Sophie Maurin est de retour ! Jamais une expression n’a été autant à propos, alors que ce second album prend la forme d’un carnet de voyage, dans lequel chaque chanson correspond à un lieu, une longitude. N’attachez pas vos ceintures, mais ouvrez grand vos oreilles pour vous saisir de cet album d’une pop classieuse, où les claviers sont maîtres et viennent se frotter aux cordes, aux basses, batterie et superbes harmonies vocales. Embarquez au son d’une voix saisissante, De Paris à Melbourne, où la relation amoureuse tient en calculant les fuseaux horaires (Longitudes), en passant par le gel russe (Kamtchatka) jusqu’au Groenland qui se réchauffe inexorablement. Petit hommage à Perec avec sa Chanson sans A évoquant le deuil et à Magellan pour parler du dernier voyage. Longitude est riche en références et degrés de lecture. Amours, amitiés et voyages s’imbriquent dans cet album-concept brillant et solaire.

www.facebook.com/sophiemaurinmusique

Stéphanie Berrebi


IOKANAAN

Infinitif

(Autoproduit)

Recevoir la claque de cette année 2022, à quelques semaines de Noël, c’est cadeau avant l’heure. Iokanaan parle cru, à la manière d’un Eddy de Pretto en plus percutant. L’articulation est parfaite, réglée comme du papier à musique. Une bataille de mots sur l’électro-trap entêtante du beatmaker Labøreal, parfois à la limite d’un rap lyrique. Le duo met tout le monde d’accord, sans répit. Reprenez votre souffle, un titre plus puissant que le précédent s’enchaîne déjà. Ancien champion de France de slam, le Nantais est aussi à l’aise en chantant qu’en déversant son flow tranchant. Allez voir le magnifique clip qui donne son nom à cet EP. Un bijou. Le maestro s’interroge face au regard des autres. L’écriture est franche, directe. Aucun tabou. Six titres comme une carte de visite qu’il faudra bien conserver. Les étoiles brillent parfois dans le ciel. Profitons-en, celle-ci est parmi nous et bien vivante.

www.facebook.com/Iokanaan.Art

Eddy Bonin


SANGUE

Empeureur

(Prolifix)

Nous l’avions découvert en solo avec la sortie de son album À vendre (et au Zebrock en 2016). Depuis, Pierre Mourles, tête pensante du trio, fait montre d’une belle évolution, ayant pour constante d’être inclassable. Sangue, c’est d’abord une belle tessiture de voix, rappelant celle d’Helmut de La Maison Tellier. Une voix qui nous accompagne dans son monde, ses voyages (Tanger), son intimité (Mamie) et ses récits fantasques, révélateurs de ses engagements (Entreprise, La prophétie). Désormais accompagné de deux musiciens, dont un batteur, le danseur qui a su trouver son identité en mélangeant accordéon et électro propose un album naviguant entre rock, jazz et trip-hop, tandis que les claviers typés années 70 et autres bidouilles électro nous entêtent. Sangue, c’est une sorte de pop expérimentale, proposant du rock sans guitare, du jazz sans basse, de l’électro à l’accordéon. Ce deuxième album ambitieux va bien au-delà de nos espérances.

https://sangue.me

Stéphanie Berrebi


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