Les 8 indispensables du numéro 100


KARPATT

En escale

(Dionysiac Records)

« Notre voyage a été long pendant deux ans, un voyage dans le pays de l’immobilité, un voyage sans voyager », chante le groupe dans le titre 1, 2, 3, soleil, dans lequel ce fameux jeu d’enfants prend un tout autre sens. Karpatt nous invite par ces chansons à bouger à nouveau. On retrouve la patte Karpatt, cette esthétique salsa, rumba, mais aussi reggae sur les titres Mother San et Je serais bien une fille. Karpatt séduit une fois de plus par ses histoires simples, ses souvenirs, comme lorsque Fred nous ouvre la porte de son mariage (Si tu te rappelles), ou lorsqu’il aborde des sujets moins légers, comme la vie d’un migrant qui vient sur notre territoire chercher refuge (Amigo). Karpatt met en musique ce temps qui passe, mais qui n’a pas de prise sur lui, comme le prouve ce nouvel album, riche en escales musicales. Prêts pour le voyage ? Celui-là, je vous promets qu’il sera beau.

www.facebook.com/karpatt

Franck Inizan


OPIUM DU PEUPLE

La malédiction de la Black Burne

(Autoproduit)

Amis de la poésie et de la variété, soyez les bienvenus… à condition toutefois de les apprécier bien relevées ! Car le plus célèbre groupe de trash variet’ français remet le couvert et vous met au défi de tenir sans pogoter jusqu’au dessert. Plus habitués aux walls of death qu’aux valses musettes du dimanche après-midi, ces amateurs de standards de la chanson à la sauce punk ou heavy metal poursuivent leur revisite très personnelle de l’histoire musicale francophone avec un grand H et rendent des hommages malicieux aux grands interprètes de ces soixante dernières années. Entre un Cabrel à la sauce Maiden, un Balavoine un peu secoué, une Édith Piaf punkette ou encore un Henri Salvador furieusement halluciné, la bande de Slobodan nous rappelle qu’un morceau, quand il est bon, le restera sans condition. Qu’importe la chanson, pourvu qu’on y entende toujours les Opiumettes !

www.facebook.com/OPIUMDUPEUPLE

Xavier Lelievre


LISE PRAT-CHERHAL

Les réalités

(Kalmia productions)

Quel album ! Époustouflantes, ces Réalités que l’artiste vous envoie sans pour autant vous plomber. L’album est rock sans fioritures, rythmes groovy qu’on peut situer entre une nostalgie des années 70 et le grunge des années 90, réalisé en équipe avec « son homme à tout faire », Morvan Prat-Cherhal. Réalité d’artiste par la photo de pochette, et qui livre ses sources d’inspiration écrites à la main dans le livret. Réalités d’une vie de femme, avec notamment ce percutant Fausse-couche, vrai sang et les violences gynécologiques dans le parlant C’est l’hôpital qui se fout de la chatte. Et puis, il y a les réalités auxquelles nous sommes tous confrontés : Merci pour les vacances rend hommage à Mathieu Bellet, mort d’un cancer. Face à ces réalités, il y a notre résilience, notre corps souvent si fort (Merci mon corps), et c’est évidemment l’amour (Amoureux de moi) qui permet de résister à tout. Tout simplement brillant.

www.lisepratcherhal.fr

Stéphanie Berrebi


RODOLPHE BURGER - MEHDI HADDAB - SOFIANE SAIDI

Mademoiselle

(Dernière Bande)

Dès le premier titre, Vous êtes belle, les cordes de guitare cognent plein fer et s’entrechoquent avec celles du oud électrique. Burger pose ses textes elliptiques sur des boucles chaotiques, l’heure est à la transe. Rock la casbah, clash de raï, entre Sidi Bel Abbès et Barbès, avec Rachid Taha et le Couscous Clan dans les assiettes. Ce super-groupe de blues-rock-électrooriental suit le fil des cordes saturées et des machines en syncope, à l’image du conte des mille et une fuites 02 504. Le trio dynamite l’hymne des Fennecs, l’équipe de foot algérienne, One, two, three. Viva l’Algérie des clubs nocturnes ! Au sommet de cet Atlas : Rodolphe Burger, le démineur alsacien, Mehdi Haddab, l’« oudini » franco-algérien, et Sofiane Saidi, le sorcier de l’oriental-glam, à la basse, aux claviers et aux mélopées psalmodiées. Sublime et sauvage, cette Mademoiselle.

https://rodolpheburger.com

Benoît Merlin


VIPÈRES SUCRÉES SALÉES

Vipères Sucrées Salées

(Autoproduit)

Premier EP riche en pètes au casque de ce trio lyonnais, qui a dû confondre le sel et le sucre avec une autre poudre blanche. Chacun des cinq titres est un ovni frayant dans la pop kitsch et tonique des années Véronique & Davina, le post-punk métallique des clubs berlinois (Shoop Zep Soop) et les rythmes cliniques de la cold-wave de « Madchester ». Si Michel Berger jouait du piano debout, les Vipères Sucrées Salées taquinent les synthés affalés sous les volutes hallucinogènes. Les guitares cinglent, les synthés tisent, les basses collent des baffes, comme sur Artère crocodile, une virée nocturne « chargée en alcool ». Et cette voix grave, délicieusement traînante, pas du type à pousser la chansonnette, qui décline une galerie de brothers tout sauf freak. Ils l’avouent : « C’est en zigzag que cette histoire va continuer ». Ces Vipères vont vous faire avaler des couleuvres.

www.facebook.com/viperes.band

Youri


VASLO

Vagues

(Les flamants jaunes)

Réinventer. Le premier titre de cet EP est très significatif ; c’est exactement et parfaitement ce que fait Vaslo. Une nouvelle image, de nouvelles sonorités. Après À travers les regards, son précédent disque à l’univers folk, Vagues fraye dans d’autres esthétiques : l’électro dans Amours, la musique du monde dans Réinventer ou Salta, un très beau titre quasi instrumental, toujours un peu folk et rassembleur dans Cette chanson vous appartient, belle déclaration d’amour d’un artiste à son public. Les mots sont toujours bien choisis ; on prend conscience que le papillon a fini sa métamorphose et qu’il n’a plus de limites dans Vagues, titre phare de cet EP, dans lequel le flow nous prend dans le flot de sentiments mêlés, retenus, pour ne « pas faire de vague ». S’il y a des influences hip-hop dans le chemin artistique de Vaslo, il s’offre aujourd’hui le luxe de mélanger les styles et le fait avec un plaisir communicatif.

www.facebook.com/vaslo.officiel

Franck Inizan


BURIDANE

Colette fantôme

(Silbo Records / Pluie Vaudou)

Avec Colette fantôme, Buridane nous entraîne une nouvelle fois dans la poésie de son monde, un univers où se dévoile toute une existence. Dans ses textes, il y a une philosophie de la vie, celle d’une femme qui n’a « plus peur du pire », parce qu’elle a réussi à « muscler son cerveau ». Elle chante la maternité et célèbre « la vie comme une fête », puis, juste accompagnée d’une guitare, elle dit l’amour « qui n’est pas un tombeau ». C’est avec Féloche que Buridane s’est associée pour nous proposer cet album, dont elle a écrit et composé les chansons. Multi-instrumentiste, Féloche a réalisé et arrangé le disque et participé à trois compositions. Ils ont assuré tout l’enregistrement, elle avec sa voix si expressive et ses guitares, lui avec toute sa panoplie instrumentale. Discrètement, les noms de Pauline Croze et de Laura Cahen apparaissent dans cet album éblouissant de grâce et de puissance.

www.buridane-officiel.com

Yves Le Pape


TOM BIRD

Le portrait

(Le Cri du Charbon)

Avec deux EP remarqués depuis 2016 (prix FrancoFans au Pic d’Or en 2017), Tom Bird a pris le temps de mûrir ses projets. De multiples concerts et rencontres ont forgé son expérience. Croisé lors de la Francofête en Acadie en novembre 2022, il m’avait déjà marqué par ses nombreuses qualités artistiques (et humaines). Le portrait est à son image : dix morceaux qui parlent des autres, des personnes et des lieux qui ont marqué l’artiste. En ouverture, l’émouvant Grand-mère pose déjà l’édifice. On navigue à Saint-Malo, on croise l’amour, l’enfance, la disparition (le très beau titre Danielle), dans une ambiance folk, aux arrangements épurés et sensibles. Un duo avec Leïla Huissoud (Ton nom), leurs deux voix s’harmonisant parfaitement, car autre point fort de Tom Bird, il chante délicieusement ses textes touchants, portés par ses musiques lumineuses. Vous l’aurez compris, il va falloir compter avec Tom Bird à partir d’aujourd’hui.

www.tombirdchanson.com

Mathieu Gatellier


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