Les 8 indispensables du FrancoFans 61


TIM DUP

Vers les ourses polaires

(Duperray Editions)

Il y a dans chacune des premières chansons de Tim Dup, une sensibilité délicate et un regard attentif sur le monde qui l’entoure. TER Centre, qui ouvre ce court EP, dépeint le quotidien des voyageurs en train en y mettant un peu de magie et de tendresse. Ses textes à la poésie urbaine témoignent d’une certaine vérité dont on ne saurait dire si elle est empreinte de naïveté ou de maturité... Mais le chant - presque parlé parfois - est absolument touchant. Si la ville inspire Tim Dup, il ne rêve pas moins d’ailleurs, d’amour, et d’échappées romantiques (Cours, cours et cours encore, Moira Gynt, Vers les ourses polaires), ces envies d’errances sont portées par le piano classique auquel il mêle des arrangements électros de bon goût et d’une éclatante modernité. Vers les ourses polaires, c’est seulement quatre titres dont une instrumentale qui suffisent à nous éprendre et nous laissent pleins d’espoir.

www.facebook.com/music.TimDup

Marylin Clarisse


MELL

Déprime et collation

(Art Disto)

Mell fait un retour en force avec un double album enregistré entre Montréal et Liverdun, Déprime et collation. Un nouvel opus qui délivre une nouvelle facette de cette artiste hors normes. Si son goût pour les ambiances rock sixties transparaît encore au travers de certains titres (Tes yeux verts, Snack and blues), c’est une Mell en quête de renouvellement et qui ose se remettre en question qui se livre. Les textes oscillent toujours entre ironie, mélancolie, délicatesse et amertume, on ne change pas une écriture qui fonctionne, mais c’est surtout aux instrumentaux, très nombreux, qu’il convient de s’attacher. Elle a mis le turbo la dame, et le travail qui a été fait sur les compositions est à souligner. À force de guitares, de programmations et de claviers, Mell explose, se fait langoureuse et nous entraîne dans un monde, dont on ne sait au final s’il est noir ou blanc. Une chose est sûre, il interpelle !

www.facebook.com/mellturbo

Sandrine Palinckx


JEANNE PLANTE

Farces et attrapes

(Little Village / Hamonia Mundi)

Il n’y a pas de conte de fées qui tienne sans roi, sorcière, princesse ou histoire d’amour. Mais, quand on découvre que le roi Bonsire n’est autre que François Morel, que Nicolas Jules endosse les habits prétentieux du prince Islapète secondé de son fidèle valet Sacapou, alias Sanseverino, que la princesse Guimauve est interprétée par Chloé Lacan, et la sorcière Pifcrochu par un exubérant Olivier Py, ça promet une histoire secouée ! C’est donc un conte musical pour enfants que nous propose Jeanne Plante, avec six chanteurs-comédiens et un quatuor à cordes qui vient très habilement illustrer les différentes scènes du conte. À la narration succèdent des petites chansons, et parfois certains dialogues sont aussi drôles pour les petits que pour les grands, comme celui entre la fée Turlututu (Jeanne) et le roi (François) où les artistes révèlent toutes leurs facéties. Et bien sûr, tout est bien qui finit bien !

http://jeanne-plante.com

Matthias Swierzewski


BATLIK

XI lieux

(A Brûle Pourpoint)

À bientôt quarante ans, dont un quart passé sur la planète chanson, le prolifique Batlik sort un dixième album studio dans le sillon folk des précédents. Faisant suite à Mauvais sentiments, élu meilleur album 2014 par votre magazine préféré... rien que ça ! La pression est donc grande à l’écoute de ce nouvel objet. Bien identifié par ses arpèges syncopés et par sa voix pareille au souffle d’un vent brûlant et rugueux, l’infatigable Batlik confirme être une pièce essentielle de l’échiquier musical francophone de cette dernière décennie. Ni pion, ni cavalier, il s’approcherait plus du fou au sens d’agitateur habile et de troubadour subtil. Laissant la place du roi aux autres, Batlik préfère la cohérence, le mot sain, coupé au centimètre, et la mélodie à la rage étouffée. Pour tout cela, une année musicale sans un Batlik aurait presque un goût d’inachevé. XI lieux ne déroge point à la règle et s’écoutera, sans aucun doute, à brûle-pourpoint.

http://batlik.abrulepourpoint.com/

Arnold Faivre


CHANSON PLUS BIFLUORÉE

Au théâtre La Bruyère

(EPM)

Trublions d’une chanson qu’ils parodient à l’envi, dignes héritiers des Frères Jacques, Chanson Plus Bifluorée fête vingt-cinq ans d’une carrière placée sous le sceau de zygomatiques affûtés. Enregistré, en public comme il se doit, au théâtre La Bruyère, à Paris, ce double album revisite avec un plaisir évident quelques classiques de leur répertoire : Le moteur à explosion, Marions les filles ou Quand un soldat. Calembours, petits sketches et vocalises de haute volée, le trio s’amuse même à superposer Charles Trenet sur Léo Ferré ainsi que Barbara sur Yves Duteuil (l’impayable Shaker à chansons). En prolongation des célébrations, un DVD live rappelle que Chanson Plus Bifluorée est un groupe qui use des planches comme d’une cour de récréation, faisant le pont entre le spectacle comique et le concert avec une jubilation contagieuse.

www.chansonplus.fr

Jeoffroy Vincent


FRÈRE ANIMAL

Second tour

(PIAS)

En 2008 sortait l’hybride Frère animal, roman musical co-écrit par le chanteur Florent Marchet et l’écrivain Arnaud Cathrine, fable grinçante et politique sur le monde du travail. Dans ce deuxième volet, le concept ne perd rien de sa force. Il fait de ce désormais diptyque, une fresque apothéotique, allégorie glaçante d’un long déclin, celui d’une société victime de ses excès. Cette suite, terriblement logique, s’inscrit dans le contexte d’une France post Charlie qui est la nôtre, asphyxiée et prise en otage par des discours politiques n’ayant pour seule substance que l’instrumentalisation de la colère, de la peur et du désespoir. Un fustigeant portrait de famille en somme. Un récit de chansons pop à la poésie sensible, qui décrypte habilement les mécanismes de la radicalisation. En plus d’être un excellent disque, cette satire sociale en miroir sur fond d’élections présidentielles, sonne juste. Dans le climat actuel, elle revêt moins l’allure d’une caricature que d’un manifeste.

www.facebook.com/frereanimal

Laura Marquez


GRÈN SÉMÉ

Hors sol

(Washi Washa)

Littéralement « graine semée » en créole réunionnais, Grèn Sémé symbolise ce courant neuf, cette émergence, voire transmutation, de la mémoire de l’Île de La Réunion. Culture déracinée, déportée, le terme Hors sol ramène ici aux heures les plus sombres de l’histoire de France, de ses colonies et de leur résultante. Le maloya de Grèn Sémé apporte un vent neuf au genre, ses teintes pop-rock, par ses guitares réverbérées sur le titre éponyme, ou sur l’hommage à Alain Peters Maloya la rès la, en sont de parfaites représentations. On retrouve dans la production de Jean Lamoot, réalisateur, une couleur psychédélique et même électronique, due à l’emploi de synthés arpégés, ou d’effets spatiaux sur Anna ou Marguerite. Carlos di Sacco déroule avec élégance ses textes, tour à tour en créole réunionnais ou en français, évoquant la dualité de ses origines, la politique, allant jusqu’à personnifier l’opinion publique (La rue), et nous offre avec Hors sol, une vision plus qu’actuelle du maloya.

www.gren-seme.re

Julian Babou


VINCENT DELERM

À présent

(tôt Ou tard)

Ils sont nombreux, ceux qui hantent À présent, le nouveau disque de Vincent Delerm. Citons dans le désordre Gainsbourg, les assassinés de l’hiver dernier et son disque précédent, Les amants parallèles. Si les souvenirs jalonnent encore ses chansons, cette obsession du passé et de ce qu’on fait avec ne se cache plus dans les pirouettes du style. Pour convoquer ce passé, évidemment des noms et des voix (Birkin, Biolay, la sienne...) mais surtout une musique. On s’extasiera sur la profondeur du travail de Clément Ducol et Maxime Le Guil, dont les choix d’orchestration et de mixage offrent perspective et cohérence au propos. C’est à trois que se construit la poésie de Delerm et c’est ainsi que sa poésie devient notre intimité. On pourra reprocher ce qu’on veut à ses atermoiements nostalgiques sur la vie bourgeoise mais Delerm livre un objet d’une densité et d’une justesse rares, qui rappelle à chacun la nécessité de vivre, et qui donne du crédit à son oeuvre passée.

http://vincentdelermofficiel.com

Faki Resco