Les 8 indispensables du FrancoFans 72


ALEXIS HK

Comme un ours

(La Familia)

Après la tournée triomphale de Georges & moi, Alexis HK signe son cinquième album studio. Attendu comme à chaque fois avec impatience, ce nouveau cru s’avère savoureux. Paradoxalement, à première vue, on passerait son chemin car les sujets abordés sont le reflet de ces cinq dernières années. La solitude, la finance, le racisme décomplexé, les attentats, le deuil... Mais la force de l’artiste réside justement dans sa capacité à rendre l’ignoble audible, émouvant. Le mot, la langue, l’analyse, le décalage, le trait d’humour restent les outils préférés que peu d’artistes aujourd’hui maîtrisent à ce point. Et cette voix, que les années rendent plus profonde et douce. La musique n’est pas un prétexte, mais un compagnon de ces douze titres. Elle est subtile et les mélodies toujours aussi soignées. Si nombre de chansons ont évoqué le 13 novembre, je vous conseille vivement Marianne.

www.alexishk.com

Mathieu Gatellier


NO MAD ?

Idomeni

(La Curieuse)

Époustouflant ! Il n’y a pas d’autre mot pour parler de ce nouvel album de No Mad ? Une ode à la poésie, un conte théâtral à la musicalité hors pair. La formation grenobloise qui oscille entre musique de chambre, rock, jazz tribal ou ritournelle médiévale (Le Diable et vous), à coups de violons et violoncelles, claviers, clarinettes et batterie, vous saisit dans son univers fantastique. C’est une création théâtrale qui s’écoute, se vit au rythme des idées musicales foisonnantes et incarnées dont La sombre affaire semble être la pièce maîtresse. La rencontre avec les poèmes de Pierre Dodet, portés par la voix saisissante (Les oiseaux vont bien quelque part) et sur le fil (Ton absence) d’Élodie Lordet, est parfaite. Musiques et textes se rejoignent dans l’onirisme, dans l’imagerie surréaliste, aucun mot, aucune note ne sont laissés au hasard. Les nombreuses créations scéniques ont amené No Mad ? à aboutir à un album ambitieux.

www.la-curieuse.com

Stéphanie Berrebi


LES FRÈRES CASQUETTE

La vie devant nous

(Mélodyn Production)

Ils font du rap pour enfants et adolescents depuis dix ans et ce troisième album est sans aucun doute le plus abouti. En effet, si les paroles sont parfaitement adaptées, l’accompagnement musical pourrait aussi bien avoir été conçu pour des adultes : elle est aussi là la force des Angevins ! Jamais naïfs ni trop faciles ou fantaisistes, les textes font preuve d’un vrai travail de réflexion. Qu’ils soient légers, graves ou drôles, ils sont toujours réalistes. Musicalement riche, l’univers des Frères Casquette donne une image positive au hip-hop. On pense à Bigflo & Oli avec Petit frère ou au flow de Gérard Baste sur La star, des rappeurs différents qui ont néanmoins ce point commun d’encourager quiconque à profiter de l’instant présent... Avec La vie devant nous, Les Frères Casquette rappellent aussi aux parents qu’il faut s’accorder du temps et arrêter de s’angoisser pour demain...

www.lesfrerescasquette.com

Nicolas Claude


MADAME ROBERT

Comme De Niro

(At(h)ome)

Derrière ce projet, au nom emprunté à la discographie de Nino Ferrer, il y a une voix qui immanquablement tape dans l’oreille : celle de Reuno, que l’on connaît avec un autre volume sonore au sein du groupe métal Lofofora. Cette Madame Robert, pas trop mal à l’aise dans ses nouveaux habits, fait également appel au savoir-faire du duo rythmique Xa Mesa et Stef Zen, respectivement batteur et bassiste de Parabellum, ainsi qu’au guitariste Julien Mutis et à Léa Worms aux claviers pour parfaire l’ensemble. Un album à la bande son qui groove de manière délicieusement vintage, au fil d’un rythm’n’blues inspiré, vers des textes dans lesquels De Niro, Coluche, Cavanna sont célébrés. Un album qui offre aussi un bel hommage via le titre Schultzy blues au regretté Schultz, chanteur de Parabellum. Un album jouissif qui regarde autant dans le rétroviseur que devant...

www.facebook.com/madamerobertband

Fabrice Bérard


LES HÔTESSES D’HILAIRE

Viens avec moi

(L-A be)

Quatrième album pour ce groupe qui fait du rock progressif psychédélique. Cette fois, il s’agit du support d’un spectacle théâtral musical, d’un opérarock qui traite de l’industrie musicale. Le disque alterne les morceaux tempétueux de déclamation auxquels Serge Brideau nous a habitués avec son fort accent acadien, et des plages plus calmes, certaines même assez douces et romantiques. Les titres s’enchaînent avec un fil conducteur que l’on capte au prix d’une écoute attentive et répétée (on ne se fait pas prier). Dès lors, c’est pur plaisir, ça plane pour nous en douceur. Vendre son âme est le thème de l’oeuvre. Pour Serge et Kevin, par des chemins différents, le groupe inspiré et libre ou bien le passage à la télé-réalité, c’est le même combat de l’ego, être connu. Richesse d’idées, de musiques, ce groupe ne fait que de nous exploser les oreilles et la tête, on brûle de voir l’opéra rock en live après avoir écouté le CD.

www.leshotessesdhilaire.com

Annie Claire


FÉLOCHE

Chimie vivante

(Silbo Records)

Dans Chimie vivante, Féloche résout le paradoxe entre indépendance et partage. Il l’a construit seul, montant son propre label, mais si les questions y font tempête sous son crâne (Combien, Chimie vivante...), il ne les affronte pas seul. Apparait alors comme reflet l’histoire de Tara Tari, hommage au voyage de Capucine Trochet qui, malgré la maladie, répare et part (sur) son bateau. C’est là tout le succès de Féloche : bricoler son univers, triturer sa mandoline, rencontrer d’autres cultures (le Harlem Shake îlien, Ptite tête en est un excellent exemple), partager (joli duo sur le dansant Manjo avec Naïf Hérin). Traversée initiatique aux accents joyeux, l’album s’ouvre et se ferme sur un dialogue où les enfants portent les paroles les plus graves : « une partie de moi, là, qui se reflète, une partie de moi, là, qui se réfléchit » (Le miroir) et son bouleversant écho dans Je crie. L’air de ne pas y toucher, Féloche est un auteur majeur et Chimie vivante en est la confirmation.

www.feloche.com

Pierre Marescaux


RÉMO GARY

Voix de cailloux

(Auto-produit / EPM)

Rémo Gary se drape comme à son habitude dans une exigence sans limite. Rompu à l’écriture poétique sans concession, l’artiste chantant applique cette rigueur dans le choix des auteurs à interpréter. Celui qui rêve d’avoir le temps d’écrire une anthologie chantée des poètes méconnus, récidive dans un art d’équilibriste : consacrer un album entier à un de ses paroliers de prédilection. C’est donc naturellement qu’après avoir navigué dans les méandres de la poésie de Jean Richepin en 2007, Rémo s’attable avec gourmandise devant l’oeuvre de Jacques Debronckart. Nathalie Fortin, au piano, fait plus qu’accompagner le chanteur dans le domptage des textes. Elle distille, éparpille et rassemble les notes pour donner une respiration musicale sensible et intelligente. Cet album propose un exercice qui allie talent et maturité car les saillies de Jacques Debronckart sont dépouillées d’habillage pudique, ce qui demande une interprétation sans artifice.

www.remogary.com

Jean-Hugues Mallot


BERNARD ASCAL

Aimé Césaire 10 ans déjà

(EPM)

Bernard Ascal est un savant mélodique, bibliothèque chantante qui fait sonner les poètes. Chanteur réaliste, il développe une théâtralité des plus fines, chaque silence et mot pesés, magnifiés, au service du sens. On retrouve la dérision et le burlesque dans sa voix, entre un François Morel et un Charles Trenet. À l’écoute de ce disque on ne peut qu’imaginer la gratitude qu’aurait ressentie Aimé Césaire, face à un hommage d’une telle densité. Il souffle beaucoup de respect et d’intelligence dans l’air. Vingt textes en toiles de maîtres, peintures instrumentales d’une exigence totale. Chacune construite par des duos ou trios d’instruments différents. Aux grands écarts de styles fous. Comique et laid s’endiable de cuivres, dans une rythmique à la Boby Lapointe. Références se colore d’un bottleneck blues épuré. Le négrier craque de toute part dans un requiem Fender Rhodes. Une route bossuée à la guitare folk. Parole d’île au piano classique... Surréaliste.

www.bernard-ascal.com

Joseph Cervantès