Les 8 indispensables du FrancoFans 49


CABADZI

Des angles et des épines

(Le Cirque Absent)

Après nous avoir subjugués avec Digère et recrache, Cabadzi conserve ses fondamentaux tout en faisant preuve de plus d’homogénéité. Mélange de slam, rock et hip-hop, Cabadzi a le don d’arrêter le temps. Si la voix et les textes occupent la place centrale, le mélange insolite de beatbox, violoncelle, guitare et cuivres fait du groupe un exemple d’audace et de dextérité. Avec la société de consommation en filigrane tout au long de l’album, la formation nantaise dresse un portrait très sombre du monde actuel : en évoquant ses déceptions relationnelles (Cent fois, Mon ami) et les effets que le temps a sur la nature humaine (Féroces intimes) et sur son enveloppe charnelle (L’odeur), Cabadzi chante son refus d’évoluer dans un univers qui ne lui correspond pas. Entre colère, puissance et émotion, Des angles et des épines est un cri pour la liberté, ne serait-ce qu’à travers son expression artistique...

www.cabadzi.fr

Nicolas Claude


RODRIGUE

Spectaculaire diffus

(Fragments des Arts / Socadisc)

Le Lillois, qui s’était fait connaître en 2008 avec Le jour où je suis devenu fou, présente son troisième opus et n’a rien perdu de la folie qui l’anime. À l’instar de la pochette du disque et du livret qui l’accompagne, ce disque est totalement foutraque. Si on peut parler d’un album de pop, il serait difficile de le restreindre à si peu alors que nous passons de belles ballades (Des pas) à des morceaux très rock (Hentai) ou électro avec l’inattendu Ta chatte, sur l’hyper-commercialisation du sexe. Les médias sont aussi dans le viseur de l’artiste avec Un petit mot de travers, pour leur processus d’uniformisation de la pensée. S’il n’est pas toujours évident de savoir où l’artiste va dans ses chansons, on se laisse porter par son univers décalé, rappelant souvent des bandes originales d’opéra rock en format court. Un univers qui se développe à merveille sur scène et nous emporte dans un monde à la fois sombre et coloré.

www.rodrigueweb.com

Stéphanie Berrebi


XAVIER PLUMAS

Le cabinet vaudou des curiosités d’Adèle

(La Lézarde/ L’Autre Distribution)

Ne pas se fier aux couleurs vives, presque joyeuses, qui peinturent la caravane présente sur la pochette de l’album. Le cabinet vaudou des curiosités d’Adèle est le disque en noir et brut d’un homme blessé qui n’aime rien tant que de multiplier les ambiances et les climats vénéneux. Deux ans après le magnifique 9, qui rappelait que Tue-Loup demeure l’une de nos formations les plus talentueuses, Xavier Plumas, leader du groupe, s’offre là une nouvelle échappée en solitaire. Bouleversant peu ses habitudes, il se réfugie rapidement vers des chemins familiers : avec des ballades à la guitare nouées par des cordes acérées et tranchantes (Chevet, 10000 vies), jouant parfois sur l’alternance musicale de ses décors (Crazy painter, Cannareggio), la voix fragile de Plumas apaise faussement les meurtrissures qu’il met joliment en mots. Une brûlure intérieure touchante et réussie.

www.facebook.com/pages/Xavier-PLUMAS

Jeoffroy Vincent


JEAN GUIDONI

Paris-Milan

(Tacet)

Jean Guidoni s’endimanche de textes inédits d’Allain Leprest, chausse les mots de cent lieues pour un défilé d’interprétation haute couture. À l’instar de son album sur Prévert, l’artiste puise son énergie dans l’écriture de l’autre, son alter ego lettré. Cet album découle logiquement du spectacle Où vont les chevaux quand ils dorment ? dans lequel Guidoni s’est investi avec sobriété et profondeur. Romain Didier, complice actif de l’aventure Leprest, pré et post-mortem, signe les compositions de Paris-Milan. Le chanteur Jean et le comédien Guidoni donnent un éclairage singulier à des poèmes que l’on se prend à imaginer dans la bouche de son créateur. Et c’est peu dire quand on connaît l’interprétation du poète ivryen, toujours sur le fil du caprice mélodique. Jean propose un univers plus rond, plus mesuré ; les notes emballent dans la plus grande justesse les textes sculptés par la fulgurance du poète qui s’est absinthé...

www.jeanguidoni.com

Jean-Hugues Mallot


CAMÉLIA JORDANA

Dans la peau

(Jive Epic)

Vingt-deux ans jour pour jour après sa naissance, la jeune chanteuse révélée par la télévision sort son deuxième album. Fini l’adolescence, Camélia entre dans l’âge adulte avec ces douze titres pour lesquels Babx est aux commandes. Il se dégage en effet de Dans la peau une maturité surprenante. La voix chaude et cassée est au service d’une interprétation de haute volée. Camélia joue avec les silences, les variations et les rythmes avec facilité et se sert à bon escient de ces trouvailles musicales. Les claviers sont au coeur des compositions à la fois blues, jazzy et pop. Les machines créent des ambiances et des tempos planants dans lesquels la chanteuse insère sans complexe ses textes. Mention spéciale à son duo avec Babx sur À l’aveuglette, sa collaboration avec Mathieu Boogaerts sur le titre d’ouverture Comment lui dire et à l’envoûtant Illégale. Forte de ces compositions recherchées, Jordana s’éloigne de la chanson grand public. Et c’est tant mieux.

www.cameliajordana.fr

Chris Auziak


LA MAL COIFFÉE

L’embelinaire

(Sirventés)

Cela fait maintenant quelques années que La Mal Coiffée défend la tradition occitane au travers d’un chant polyphonique ensorceleur et enchanteur. Ce nouvel album, L’embelinaire, est une réelle invitation à découvrir un univers ambivalent : apaisant de par la chaleur des voix qui s’expriment avec force et grâce, entêtant de par ses rythmes percussifs. La poésie est palpable et peu importe qu’on comprenne le sens des mots, la magie des voix opère. Les cinq femmes font revivre les textes d’auteurs occitans incontournables que sont Joan-Maria Petit et Léon Cordes, faisant ainsi perdurer la tradition orale de leurs ancêtres. On a l’impression en écoutant les différents titres de voyager dans une autre époque, une époque où le travail de la terre, la nature, les scènes de vie ordinaire avaient vraiment de la valeur et où on savait savourer les plaisirs simples de la vie. L’ensemble est abouti et le dépaysement est garanti !

www.sirventes.com/la-mal-coiffee

Sandrine Palinckx


LA CANAILLE

La nausée

(Association La Canaille)

« Je lance cet album dans un contexte encore plus merdique que le précédent » : le premier morceau annonce la couleur et c’est à travers un son moins rock mais bien plus électro que La Canaille puise aujourd’hui toute sa puissance. Entre rap conscient et spoken word, Marc Nammour confirme qu’il est l’une des plus belles plumes du hip-hop français actuel. Racisme, injustices, malaise social, les thèmes empruntés sont classiques mais il parvient à se démarquer par sa sincérité et sa liberté totale de ton : percutant, poétique, engagé et spontané, il a en effet la faculté de nous captiver quelque soit la finalité de la chanson. À côté de cela, la musique sait se montrer planante (Encore un peu), conquérante (Redéfinition) ou débridée (Décalé) pour servir une ambiance souvent lourde et étouffante. La nausée : un titre qui prend encore plus de sens à chaque nouvelle écoute !

www.facebook.com/lacanailleofficiel

Nicolas Claude


LES GRANDES BOUCHES

Jaurès !

(Chants d’Action / La Passage)

Le centenaire de l’assassinat de Jaurès sonne à nos oreilles comme un sursaut républicain, à l’heure où ce souvenir est souvent galvaudé au profit de certains partis et hommes politiques. Jaurès était un homme qui appartenait au peuple comme nous le rappelle ce Bal républicain des Grandes Bouches. On retrouve dans ce livre-disque une courte biographie retraçant ses plus grands combats et les textes des chansons, le tout illustré par les dessins d’Ernest Pignon-Ernest. Les chansons, co-écrites par Francis Ricard et Philippe Dutheil, chanteur du groupe, sont empreintes de l’engagement et de la passion militante et festive qui animent Les Grandes Bouches depuis l’époque des Motivés. Les combats et les révolutions d’hier sont toujours ceux d’aujourd’hui, qu’ils soient politiques ou sociaux et c’est à la rue de s’exprimer. Ainsi était l’idée de Jaurès, dont l’âme plane sur ces chansons qui allient histoire et actualité.

www.lesgrandesbouches.fr

Stéphanie Berrebi