Festival de la Chanson Française d'Aix en Provence

Du 1er au 8 octobre 2011


Charles-Baptiste, piano solo

C'est déjà le milieu de la 9ème édition du festival de la chanson française en Pays d'Aix. A la salle du bois de l'Aune, en ce mercredi 5 octobre, c'est Charles-Baptiste qui ouvre le bal pour Carmen Maria Vega. Sorte de compromis juvénile entre Michel Berger et Sliimy, Charles-Baptiste est un garçon propre sur lui. Complet cravate et veston, il est seul au piano et chante face au public des morceaux joliment troussés. Si la moitié du set est swinguante à souhait, la seconde cède à quelques facilités. Ces faiblesses sont écartées par l'enthousiasme évident du jeune homme qui sait jouer de sa fausse timidité pour se mettre le public dans la poche. Un artiste prometteur qui doit encore se rôder pour affronter réellement le vertige de la scène.

 

Carmen Maria Vega : l'attrait d'un rock en noir

Le temps d'un rapide changement de plateau, la salle se noie dans un noir tamisé qui laisse aux quatre musiciens de la tête d'affiche le soin de faire leur entrée. Les premières notes de la chanson Hiérarchie sont alors jouées dans un bleu nocturne qui cède brutalement dès l'entrée fracassante de Carmen Maria Vega. "Salut mes lapins" clame-t-elle à l'attention du public suivi d'un "Ça va les flemmards ?" adressé aux spectateurs assis au fond de la salle. Du haut de sa petite taille, vêtue en habits de cuir noir, l'artiste a du coffre et sait se faire entendre. Zébulon dézinguant les conventions avec un sens assumé du mauvais goût, Carmen Maria Vega déboulonne le politiquement correct avec des formules grinçantes qui font mouche, et sans faire vaciller sa houppette rebelle. A ce propos, saluons la plume aiguisée de Max Lavegie qui donne à l'interprète des textes aussi poignants qu'incisifs, et dans lesquels l'amour ne représente pas forcément le salut dans notre monde où la cruauté est ordinaire. Car c'est cela aussi Carmen Maria Vega : un clown qui parle franchement mais qui sait aussi se livrer avec une pudeur émouvante. Tout en rôdant de nouveaux morceaux (le deuxième album est en cours d'enregistrement), la belle se fend le luxe de reprendre Qu'est-ce qu'ils sont cons, une chanson du regretté Matthieu Côte qui pointe franchement notre citoyenneté léthargique face aux démiurges de la finance. Le concert s'achève dans un tourbillon punk qui ferait pâlir d'envie les attitudes poseuses de Mademoiselle K ou d'Izia. Grande victorieuse au sein de son quatuor de musicien aguerri, Carmen Maria Vega a fait tomber sa veste. Et pour cause, après deux rappels, même les flemmards du début se sont rapprochés. Le public en redemande. Le noir reste encore drôlement attirant.

 

 

La joyeuse fabrique des Ogres de Barback

D'abord il y a la scène. Un décor qui occupe toute la place avec des oiseaux en bois n'attendant que d'être actionnés pour battre des ailes et une structure métallique qui évoque vaguement... une usine ? Pas loin, il s'agit de La Fabrique à Chansons des Ogres de Barback qui mettent à nu les coulisses de leur inspiration. Le secret ? Très simple : de la main d'un facteur, le groupe reçoit quotidiennement quantité de lettres contenant des anecdotes, des récits, des légendes, des rumeurs, des bonnes et des mauvaises nouvelles. De ces courriers, ils en produisent des chansons. Petit clin d'œil à l'attention des spectateurs à qui, entre quelques missives lues au public, Les Ogres soulignent que c'est grâce à cette audience qui continue de les écouter qu'ils sont toujours là.

 

Et, pour être là, les Ogres sont présents, dévorant l'espace et débordant d'imagination avec une ferveur contagieuse. Véritable scène dans la scène, La Fabrique à Chansons est démontable à l'envie. Pendant les deux heures trente que le concert va durer, elle illustre toute l'acuité du tour de chant proposé par les Ogres. Comment ne pas résister à cette fratrie Burguière qui, depuis quinze ans, défend joliment une chanson qui se veut ouverte sur le monde, en laissant de côté les préjugés qui rongent les hommes et l'existence. S'il interprète les nouveaux titres de leur dernier album, le groupe ne résiste pas à l'envie de revisiter d'anciens morceaux... tout en les actualisant. Écrans mobiles, variations sur la lumière, numéro d'acrobate sur du tissu, invités surgissant par surprise grâce à la magie numérique (Les Hurlements d'Léo, Akli D). Clou du spectacle, le groupe signe le reçu du facteur et tire leur révérence en disparaissant dans un colis en carton.

 

Non content de faire de la chanson un genre jubilatoire et collectif, Les Ogres de Barback prouvent, si besoin était, qu'ils sont en plus de véritables enchanteurs.

 

www.festival-chanson-francaise.com

 

Jeoffroy Vincent