Festival de Tadoussac  2015

14 juin 2015 : dernier jour, on remballe !


« Soignons nos rêves. »
Dimoné

Venir à Tadoussac, c’est s’exposer au Tadou, une maladie rare et à ce jour incurable, que la plupart des visiteurs contractent en quelques heures. Le Tadou ou Tadou Blues, c’est cette envie irrépressible de revenir ici, ce regard que l’on jette sur le traversier vers la rive qui s’éloigne, qui vous serre un peu le ventre et vous donne en même temps le sourire.

Tous les festivaliers croisés nous l’ont dit. Une fois venus ici, plus moyen de faire autrement. Bien sûr, il y a le lieu, magique, ce village « au bout du monde » qui en ce dimanche soir voit démonter les chapiteaux, et retrouve peu à peu son visage ordinaire. Bien sûr, il y a les gens, cette équipe de fêlés qui courent dans tous les sens, sans jamais se départir de leur humour, de leur disponibilité, de leur envie de partage : Charles, Catou, Thérèse, Stéphanie, Julien et tous les bénévoles qui vous font vous sentir bien, vous sentir chez vous chez eux. Bien sûr, il y a tous ces artistes, qui répètent que jouer ici, c’est un moment à part. Et puis ce public, qui écoute, qui aime, qui acclame et en redemande debout. Et puis, et puis … il y a tout ce qui ne s’explique pas …

Pour se dire adieu, tous les artistes encore présents défilent en ce dimanche après-midi sur la scène de l’église, et offrent chacun deux chansons. On retrouve ceux qu’on a aimés, on découvre ceux qu’on a ratés. Xavier Lacouture joue les maîtres de cérémonie, en trublion taquin et toqué.

C’est à l’auberge de jeunesse, que tout se termine autour d’un bon repas, et de quelques chopines. Sous les étoiles boréales, artistes, professionnels, et bénévoles, se retrouvent une dernière fois les cernes sous les yeux, mais les yeux encore brillants. Tadoussac, I’ll be back, si t’es d’ac …


« Quand j’ai quitté le pays
Tu n’as pas pu me dire au revoir
Je me souviens du départ
Mais suis-je vraiment parti »
Moran / Daran


13 juin 2015 - Jour 4

« Un secret, c’est une chose qu’on dit à une seule personne à la fois. »
Fred Pellerin

Tu veux-tu assister à un spectacle secret ? me demande Thérèse au petit déjeuner. Les yeux plein de malice, elle m’invite à me trouver devant l’église dans 10 minutes, où l’on viendra nous chercher. En toute « discrétion », on file donc à quelques rues de là jusqu’à une jolie chapelle anglicane, bâtie au 19ème siècle pour les anglais en villégiature à Tadoussac. Dans ce lieu intime, Paul Piché, un chansonnier qui a marqué sa génération, nous offre quelques tounesque tous les québécois présents reprennent en chœur.

La journée se poursuit avec un circuit musical sur le Tour de l’Islet. Dans la presqu’île qui s’étire entre les eaux du fjord et du fleuve, trois groupes accueillent en acoustique les promeneurs dans un cadre magnifique. Des rochers jusqu’en haut de la colline, chacun cherche sa place au soleil et tend l’oreille.

La grande scène de l’église accueille ensuite Fred Pellerin, un conteur philosophe et humoriste qui fait salle comble au Québec. Spectacle après spectacle, il tisse la mythologie de son village natal, Saint-Elie de Caxton. Aujourd’hui il nous offre De peigne et de misère,  l’histoire de Méo, le décoiffeur du village pour qui “chaque cheveu fait de l’ombre sur terre”.

Hier soir au Gibard, Nicolas Jules séduisait toute l’assemblée par ses textes et son humour. Aujourd’hui, la scène québécoise n’est pas en reste. Stef Paquette, aussi showman que chanteur, saute sur tous les prétextes pour faire rire ou émouvoir ses spectateurs. Dans un autre genre, Benoît Paradis Trio nous offre un tour de chant détonant. Des postures scéniques décalées aux chansons jazzy et loufoques, lui aussi fait carton plein.

La nuit se termine comme chaque soir à l’auberge avec un défilé de groupes festifs, tous aussi talentueux les uns que les autres. Pascal Picard, Jordan Officer, Raton Lover, Ayrad, Dylan Perron puis Clay and friends se succèdent sur la scène du Café du Fjord et sous le chapiteau, pour faire danser jusqu’à l’aube la foule qui ne demande que ça. A 4 heures du matin, il fait déjà jour. Les nuits sont décidément bien courtes.


12 juin 2015 Jour 3

« La vie est belle à en mourir, c’est ce qu’il se tuait à nous dire »
Imbert Imbert

La brume s’est levée sur la baie de Tadoussac, et la ville reprend ses allures de station balnéaire. Dans l’attente des concerts, on bronze, on brunch, on flâne entre le port, la plage et la promenade de bord de mer. Puis les premiers accords de guitare résonnent à nouveau. Au Bistrot de la Baie, sept artistes “découvertes” se succèdent. Accueillis une semaine en résidence d’écriture, ils ont travaillé du stylo avec Xavier Lacouture, maintenant l’heure est venue de se jeter à l’eau…

Entre deux scènes, on retrouve les Raton Lover en session acoustique assis dans l’herbe. Hier rockers énervés dans un bar enfumé, aujourd’hui romantiques et presque bien peignés. Au carrefour suivant, Imbert Imbert offre aux passants et aux caméras de télé un duo de contrebasses. En plein soleil, sa noirceur prendrait presque des couleurs. Dans quelques instants, il rejoindra sous le chapiteau d’à côté Dimoné, Nicolas Jules et Sarah Olivier pour leur hommage déjanté Boby Lapointe Repiqué.

La nuit tombe, les rues s’emplissent d’un public de plus en plus nombreux et de tout âge. Ici, le mot festival reprend tout sons sens : festif et populaire. On sent les gens prêts à se laisser embarquer quelque soit l’univers de l’artiste ou sa notoriété. L’église est bondée, bien sûr, pour accueillir Juliette Gréco, qui a tenu à faire cette escale du bout du monde pour sa tournée d’adieux, cadeau inespéré pour toute l’équipe du Festival.

Avant de faire de beaux rêves, on rejoint Daran et son road-movie hypnotique. Le chanteur français qui voulait “dormir dehors” est désormais citoyen canadien, et ça lui va bien. Les grands espaces, les routes infinies, les lacs et les forêts sont projetés en noir et blanc sur l’écran. Devant nous, l’illustratrice Geneviève Gendron dessine, colorie, et humanise les images filmées avec sa palette graphique. Le chanteur dans la pénombre s’efface pour nous laisser devant sa toile de ciné et ses chansons écorchées.
On en ressort remplis d’ailleurs.


Le 11/06/15 Jour 2

“Si on existe depuis 32 ans, c'est parce qu'on est une joyeuse bande d'illuminés passionnés.”

Top départ pour l’édition 2015 du Festival de la Chanson de Tadoussac, le plus grand des petits festivals, qui invite des artistes du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de France. Pendant quatre jours, le village de 850 habitants vit et vibre au rythme de la chanson, de l’après-midi jusqu’au cœur de la nuit. Une grande scène installée sous l’église, une autre dans l’auberge de jeunesse où tout a démarré, et puis des chapiteaux, des bars qui accueillent des artistes de toutes générations,  de jeunes roseaux prometteurs et de grands chênes encore plein de sève.

Au programme ce soir, Joey Robin Haché, Raton Lover, Mehdi Cayenne Club, Dylan Perron et Elixir de Gumbo. On est loin de la chanson que l’on écoute sagement assis. Rock, folk, funk, les groupes se succèdent plein d’énergie, et la Belle Gueule, bière locale, coule à flots.

Entre deux concerts, trahie par mon accent français, je rencontre Martin et Emile, deux Montréalais, fidèles festivaliers depuis onze années. “Parce que Tadoussac ouvre la saison, et puis c’est un Festival avec vue !”

Gros coup de coeur pour le trio Ten Strings and a Goat Skin et leur folk irlando-byzanto-acadien. Un violoniste, un guitariste (voilà pour les 10 cordes) et un joueur de bodhran (la peau de chèvre !). Des musiciens exceptionnels qui dégagent une énergie communicative et embarquent toute l’assemblée du Gibard plein à craquer. Avant le dernier morceau, ils nous disent : “y'a pas beaucoup de place pour danser, mais si t'as deux pieds, bouge quand même !”


Le 10/06/15


Il est 7h moins dix ici, et le décalage horaire se fait encore bien sentir. Malgré la fatigue, je peine à m’endormir avant 3 ou 4 heures du matin, et vers 6h30, mes yeux s’ouvrent sur la baie de Tadoussac (photo1). 

A Montréal —parce que c’est là que tout commence— l’architecture urbaine est absolument incroyable. Une église de style gothique voisine un building en tôle et un parc. C’est un joli bazar, qui surprend à chaque coin de rue. (photo2)

La route entre Montréal et Tadoussac est longue, mais splendide, notamment à partir de Québec (au total, nous avons mis 7h). André, notre chauffeur, ponctue la route d’anecdotes. Québec, par exemple, signifie « là où le fleuve est le plus étroit ». C’est le dernier endroit où l’on peut franchir le St Laurent sur un pont. Ensuite, ce sera sur un traversier (ferry). Il nous dit en souriant « Regardez-le bien. A Tadoussac, c’est le même fleuve, mais vous n’en reviendrez pas tellement il est large. »

La descente sur la baie de St Paul est remarquable. André nous raconte qu’il y avait une petite troupe de spectacle de rue dans la ville. On les appelait Les échassiers de St Paul. Aujourd’hui, ils tournent dans le monde entier. C’est le Cirque du Soleil. 

Après la baie, on longe encore le St Laurent. On prend de la hauteur, on redescend… C’est à couper le souffle. Et plus on avance, plus on voit la rive d’en face s’éloigner.

Tout est plus grand, ici. On a une impression de respirer.

A la fin du voyage, on arrive à la Baie Ste Catherine, où l’on va prendre le bac jusqu’à Tadoussac (photo3). On y est presque. Il fait beaucoup plus froid qu’à notre départ. Mais le spectacle est sacrément beau.


7h15. Il est temps d’aller dire bonjour aux baleines… (photo4)