Le festival de Granby est assez particulier. Situé à quelques kilomètres de Montréal, ce festival est destiné à l'émergence des artistes francophones, qu'ils soient québecois, français, Suisses ou Belges. Cette année, pour célébrer le 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario, ce qui nous permet de découvrir une scène différente.
Si les professionnels (programmateurs) européens sont invités ici, c'est pour assister aux vitrines, sortes de show cases de trente minutes qui aboutira à un vote pour mettre en place la tournée Granby-Europe. Les programmateurs Canadiens doivent voter pour les artistes français, Belges et Suisses pour organiser une tournée de 13 dates à travers le Canada.
Les journées sont chargées, et autour du français, nous découvrons artistes de rock, electro, country …
Première journée ce mercredi, entamée avec Philippe B, un chanteur folk québécois. Chanteur guitariste, il s'entoure de deux choristes qui à certains moments prennent les instruments. On est assez surpris par sa voix grave qui, dans ce lieu insolite qu'est l'Eglise unie, résonne solennellement.Les rythmes sont assez lents pour celui qui se présente comme un oiseau de nuit, et raconte ses souvenirs entremêlés à ses rêveries. Philippe B est un flâneur et nous emmène avec lui.
Queen Ka est la seconde artiste québécoise présentée. Elle et ses deux musiciens ont crée un univers complètement à part, qui saisit autant par son originalité que par sa maîtrise. Entourée deux deux musiciens aux guitares, claviers, machines, violons etc. la chanteuse nous emmène dans son trip, jonglant entre le slam, chanson totalement parlée et l'électro avec des montées en puissance. On ne regarde plus un concert mais une performance, on se plonge dans un univers totalement cinématographique, assez sombre avec quelques touches d'espoir. Elle parle de l'humain, de ses travers qui mèneront à la fin du monde, mais aussi d'amour. Un univers riche qui se démarque.
Place ensuite à la scène Ontarienne avec Le paysagiste. Dans une formation rock classique, faite de basse, guitares, clavier, batterie, l'artiste nous invite à découvrir ses paysages sonores. Il commence par un morceau instrumental comme pour venir nous chercher en douceur. Son univers, largement influencé par la scène anglo-saxonne, est assez coloré et l'amour le thème qu'il aime aborder principalement. Céléna-Sophia ont ouvert ensuite le bal pour les artistes Européens. Ces deux sœurs Belges, âgées de 24 et 26 ans, sont comme un diamant à l'état brut. Une jolie voix, nous faisant penser à Vanessa Paradis pour ce côté un peu enfantin, et deux guitares l'une folk, l'autre électrique et quelques instruments (grosse caisse notamment), servent un univers doux de balades où la nostalgie est présente. Les deux sœurs ont de quoi charmer l'audience...
Le dernier artiste programmé cet après-midi est Eric Goulet, artiste entouré de ses quatre musiciens pour un concert de country, assez entraînant mais qui ne présentait pas vraiment d'originalité.
Après le lancement d'album de Joëlle Saint-Pierre, autour de l'apéro, certains sont allés assister au concert du duo Suisse Aliose, pendant que je suis allée voir le spectacle « Jamais Trop tôt ».
Une idée riche, une mise en scène de qualité qui saisit autant qu'elle surprend, puisque ce spectacle est le fruit du travail de lycéens du Canada, qui chantent les textes écrits par d'anciens candidat du tremplin, qui ont travaillé les chansons chacun de leur côté et ont monté le spectacle ces trois derniers jours tous ensemble. Bien sûr, tous n'ont pas le même talent, mais monter sur scène du haut de leur 14-16 ans ne les impressionne pas le moins du monde et leur maîtrise du « show » nous impressionne. Certains ont des voix hallucinantes, le spectacle du Palace fait le plein pour ces ados qui peut-être reviendront d'ici peu comme candidats !
Pour finir la soirée, retour à l'Eglise Unie pour le concert de David Cairol, dont le premier album a été réalisé par Natty de Sinsémilia. La construction des morceaux est reggae, d'ailleurs la voix de David nous fait beaucoup penser à Anis, mais l'énergie est rock. David Cairol et ses musiciens ont une touche bien à eux plutôt plaisante. The last but not the least sur cette première journée de vitrines, le plaisir de retrouver La Maison Tellier, qui est le groupe qui a mis tout le monde d'accord. Démarrage en douceur pour une meilleure montée en puissance, le trip est assuré par la formation aux sonorités très américaines, cette voix qui saisit et sert des textes poétiques et pleins de sens. On ne dissimule pas son plaisir de réentendre leur « tube » La Peste, au refrain évocateur « Aime ton prochain comme toi-même, mais aime-le de loin », dans ce lieu solennel qu'est l'Eglise. Anciens titres et nouveautés à paraître dans leur album prévu en début d'année nous ont véritablement enchantés.
Deuxième jour de festivités ici à Granby avec de bien belles révélations.
On a démarré sur les chapeaux de roue avec On a crée UN MONSTRE, trio de pop rock plutôt bien foutu et aux influences diverses. Le groupe parle de la vie avec un peu de nostalgie et un peu de « fun », rien de révolutionnaire mais ça annonce une bonne journée … Et cela se confirme avec Sally Folk, chanteuse explosive qui n'est pas sans rappeler Carmen Maria Vega, de par son look et son style... On regrette qu'elle ne soit pas aussi Tigresse que la française, mais on passe un bon moment autour de son cabaret rock, construit avec quatre musiciens talentueux. Elle parle beaucoup d'amour mais adopte l'angle des histoires malheureuses. La show girl est pleine de talents et le prouve en passant d'airs bien rock aux balades mélancoliques et a surpris l'audience en reprenant Mon mec à moi, de Patricia Kaas en piano-voix. Place ensuite à la franco-suédoise que nous connaissons bien à FrancoFans …Eskelina, avec Christophe Bastien à la guitare et Nolwenn Leizour à la contrebasse. La chanteuse aux airs entêtants, parle du déracinement, du voyage, et d'aventures … Elle aborde aussi des sujets un peu « tabous », avec naturel et des mots simples, tels que l'amour entre femmes ou les relations « interdites ». Place au rock ensuite avec David Giguère,chanteur qui par son look et son style, nous a ramené dans les années 90 ! Une approche très anglo-saxonne pour cette formation claviers, guitares, batterie … Je n'ai pas pu voir le concert de Berhnari en entier, mais les deux derniers morceaux m'ont vraiment donné envie d'aller écouter son disque, entre le rock progressif aux montées puissantes et la balade en piano-voix révélant un timbre envoûtant, on est saisi.
Presqu'aucune fausse note pour la soirée qui a suivi, avec l'apéro Franco-Ontarien qui nous a permis de découvrir Mastik, rock « anti-prémaché », comme se définit le trio. Un son puissant mené par un batteur déchaîné, capable de passer de beats jungle à la colère rock dans un même morceau … Le groupe défend la planète et l'écologie dans ses textes et les actes s'ensuivent puisque pour son album précédent, le chanteur plantait un arbre à chaque album vendu … Une belle initiative et un engagement fort. Retour à l'Eglise Unie pour la crème de la scène francophone actuelle …Dimoné ouvre la soirée, avec son rock habité et poétique. Il chante, il assène, il crie, ce chanteur monté sur ressort n'a pas sa pareil sur la scène actuelle … Accompagné par un claviériste aussi barré, Dimoné nous emporte dans sa foudre et il est difficile de ne pas se régaler devant ce spectacle où les compositions solides et efficaces s'enchainent avec de sublimes décompositions, des envolées brutales ou subtiles, selon ce qu'il exprime. On redescend un peu mais on se régale ensuite avec Radio Elvis, qui rentre sur scène avec « La Route », titre bien rock et puissant. Le trio a peaufiné ses arrangements, pour un son toujours plus rock, plus affirmé à tous points de vue. La soirée s'est conclue avec Guillaume Beauregard, ex-chanteur des Vulgaires Machins, groupe de punk qui a marqué son époque. Même si l'entrée en scène du chanteur a su faire rire l'assistance, le répertoire composé de balades rock sur le thème de l'amour fini par lasser car un peu répétitif … dommage.
Troisième journée au Festival de Granby avec dans la suite des vitrines avec pour entamer Antoine Corriveau, artiste québécois imposant un folk rock ombrageux, avec une vois puissante et profonde, un timbre cassé évoquant un peu Garou (seul point commun!)... S'en est suivie Christine Tassan et les imposteuses, quatuor de jazz manouche à l'énergie communicative, elles mêlent leur quatre voix et proposent un show plein d'humour … Geneviève Racette est quant à elle agit en duo et propose une pop fluette, chansons d'amour tristes … Gros coup de cœur ensuite pour l'artiste Acadien Joseph Edgar et son accent très particulier. Duo de power rock, Joseph est accompagné d'un batteur / bassiste plein de capacité et propose des compositions efficaces, des tubes en puissance … On a fini l'après-midi avec Emile Bilodeau, sorte de clown qui du haut de ses 19 ans, chante avec humour et acrobaties les réalités des jeunes québécois … Il pousse l'accent et nous ne pouvons pas toujours tout comprendre mais c'est un tel show man qu'on adhère à 200% …
n'ayant pas pu prendre de photos durant la finale, je propose une photo du directeur du festival, Pierre Fortier, que nous remercions chaleureusement pour l'accueil, et félicitons pour cet
événement.
La soirée était placée sous le signe de la grande finale, car en plus des vitrines un tremplin se déroulait la semaine passée et nous avons pu voir les quatre finalistes dans la salle du Palace.
Vincent Roberge a ouvert la voie, avec un son pop rock qu'il exécute au piano ou à la guitare. En second, nous avons découvert Joanie Roussel, première interprète sélectionnée pour la finale depuis 2006. Il faut dire qu'il émane d'elle une puissance qui vous scotche, particulièrement lorsqu'elle reprend Je suis forte, de Maurane, avec une émotion à vous donner des frissons. Caroline Savoie, chanteuse acadienne nous a ensuite offert, avec sa guitare ses chansons bleues folk, et sait mêler humour et sérieux. Elle a un vrai style, elle est pétillante et pleine de fraîcheur … Une artiste. Pour finir la soirée c'est Joey Robin Haché, originaire du Nouveau-Brunswick. Il se livre d'une bien jolie manière au sujet de Nigadou, son village natal et offre un son pop-rock plutôt bien fait.
Plus de 160 000$ de prix et offres de tournées ont été distribués, et c'est Caroline Savoie qui en a rafflé la majorité. Elle est sélectionnée pour la tournée Granby-Europe qui amènera les finalistes pour une tournée d'une vingtaine de dates en France, Suisse et Belgique. Et ce soir, à l'issue des dernières vitrines, un vote aura lieu pour savoir qui l'accompagnera.
Côté Européen, c'est Dimoné qui après avoir provoqué une « standing-ovation » à l'issue de sa vitrine, a remporté le prix d'une tournée de 13 dates à travers le Canada …
J'ai raté la remise de prix pour aller voir Louis-Jean Cormier, ex chanteur de Karkwa, qui se produisait sur la grande scène exterieure après Radio Elvis et Dimoné. Il n'a rien perdu de sa verve poétique et de ses compositions accrocheuses, un régal.
Dernier jour des vitrines de Granby qui s'est entamé avec Andréanne A. Malette, trio féminin de pop-folk. On suit les tribulations d'une chanteuse qui a un sacré caractère et met son humour au service de chansons. Des chansons tout en nuances et en émotions diverses. Les Tireux d'Roches sont ensuite venus présenter leur répertoire de musiques traditionnelles québécoise, invitant à la danse et au chant en chœur avec eux … Les formations se suivent et ne se ressemblent vraiment pas, lorsqu'on découvre ensuite Willows, chanteuse à la voix sublime s'accompagnant au piano et offrant de jolies balades. Place ensuite à Yao, chanteur représentant le réseau Franco-Ontarien. Ce « show-man » noir et roux, mets ses diverses origines aux service d'un répertoire pêchu, où le funk, le disco, le reggae ou encore le slam se retrouvent autour de textes finement ciselés portés sur l'ouverture de l'esprit, l'amour de son prochain … La journée s'est terminée avec le chanteur folk Anthony Rousselque je n'ai pas pu voir. Après les délibérations des programmateurs Européens, l'artiste récompensé dans les vitrines est Émile Bilaudeau, qui rejoint donc Caroline Savoie pour la tournée Granby-Europe 2017.
Après la remise du prix, c'est le groupe Franco-Ontarien Swingqui a entamé les festivités du soir, en première partie d'Alex Nevsky, sur la grande scène. Un répertoire très au second degré sur l'argent et la société en général. Mélange entre musiques traditionnelles et musiques actuelles, des rythmes enflammés pour un concert explosif. Annonciateur d'un beau feu d'artifice qui a marqué la fin de la 47e édition du Festival International de la Chanson de Granby.