Les Francos de Montréal 2018

Par Stéphanie Berrebi

La Traversée par Frédérique Ménard-Aubin
La Traversée par Frédérique Ménard-Aubin

À mi-parcours de cette 30e édition des Francos de Montréal, nous vous proposons de (re)découvrir nos coups de coeur. Force est de constater que la diversité est au rendez-vous de cette édition, encore une fois riche en découvertes et en émotions.

Les échanges francos-québécois

Lundi 11 juin, à peine étions nous arrivés sur place que nous allions découvrir un projet aussi insolite qu’essentiel en termes d’échanges artistiques : La Traversée. Huit artistes, 4 français, 4 québécois ont travaillé ensemble pendant quelques jours (deux sessions dans chacun des deux pays) pour monter ce spectacle. Adrien Soleiman, Laura Cahen, Marvin Jouno, Pomme, Sarah Dufour, Antoine Corriveau, Sophie Pelletier et Shawn Jobin chantaient des chansons de leur répertoire et s’accompagnaient les uns les autres, échangeant les instruments entre chaque morceau. C'est important pour la scène actuelle ou le solo l'emporte sur le groupe de faire ce genre d'échanges artistiques, cela permet à nos jeunes auteurs-compositeurs-intèrprètes de "sortir de leur zone de confort". Un concert surprenant, et si le début était un peu timide, surtout par un choix de chansons aux tempos lents, la seconde partie du concert plus décomplexée, était véritablement réussie. Un beau projet, initié par Bruno Robitaille de l'Ecole Nationale de la chanson (située à Granby), Julien Soulié du Fair, et Kevin Douvillez de La Familia également programmateur du Chaînon Manquant de Laval. On espère que cette initiative n'en restera pas là, et que les artistes présents pourront présenter de nouveau ce spectacle, et surtout, permettre à d'autres ce genre d'expérience. À suivre...

Daniel Bélanger par Victor Diaz Lamich
Daniel Bélanger par Victor Diaz Lamich

Mardi 12 : La scène Québécoise

Les découvertes

Un petit trip avec Kizaba, groupe québécois influencé par leur pays d’origine, Le Congo, pour une formule afro-beat dansante et festive. Avec un chanteur / percussionniste sur le devant de la scène, deux danseuses sur les côtés, guitare, basse, batterie en background, on s’est fait du bien à l'heure de l'apéro ! Le discours est simple (Paix & amour) , mais l'essentiel reste les rythmes endiablés invitant à la danse, à la joie. Une belle communion s'est ressentie dans le public.

Aiza était en parallèle sur une autre scène plein air du festival. Jeune chanteuse au charisme et au flow remarquables. Avec sa cape étoilée et pailletée qui volait au vent, on voit en elle une future grande du reggae-ragga.

Les confirmés

On revient au rock et à la grande scène Bell, avec Daran, québécois d'adoption, qui a ouvert la soirée. L'artiste ne cesse de se renouveler, il y a deux ans, il tournait seul en scène avec sa guitare acoustique (accompagné d’une dessinatrice qui réalisait des dessins en direct sur scène) mais Daran, aujourd'hui semble être revenu à son premier amour : le rock. Il a décidé d’interpréter l'intégralité de son nouvel album. Accompagné de trois musiciens, on a retrouvé un chanteur toujours aussi engagé dans ses textes, mais dans une écriture sans filtre, moins métaphorique que celle qu'on lui connait à travers ses derniers albums. Par cette formule, Daran exprime l’urgence de se prendre en main et construire un autre monde. Sans naïveté, avec des mots crus, sincères, réalistes, il remet en questions nos modes de consommations et les injustices que cela crée à travers le monde. Des textes sans concessions à l'image des musiques sans fioriture, rentre dedans, bénéfiques.

Pour finir la soirée, le folk-rock à tendance psychédélique de Daniel Bélanger, accompagné de ses musiciens. Très peu connu en France, il reste une légende vivante de la scène canadienne francophone. Force est de constater son indéniable succès : La place des Arts débordait de monde, des dizaines de milliers de personnes sont venues l’acclamer et chanter ses chansons en chœur, chacune par cœur, toutes générations confondues. Tous les québécois avec qui nous avons eu l'occasion de discuter de Bélanger vous diront que peu d'artistes les touchent autant au cœur, il semble être un peu "à part", loin du mass média et de la promo à outrance.

Feu! Chatterton par Benoît Rousseau
Feu! Chatterton par Benoît Rousseau

Une troisième journée Frenchy !

Beaucoup d'artistes français sont à l'affiche de ces 30e Francos de Montréal. Il faut dire qu'à l'accueil que leur réserve le public ici, on a l'impression d'être face à des artistes locaux. La soirée de ce mercredi s'est déroulée pour nous en intérieur, et nous avons démarré la soirée avec Gaël Faye dans la salle de l'Astral. L'auteur de Petit Pays, maîtrise aussi clairement le verbe que la scène. Artiste généreux, le rappeur fait monter l'ambiance et la température au fil des chansons pour une fin en apothéose. De flow, des rythmes, et une sincérité touchante.

Direction ensuite la sublime salle MTELUS, anciennement Metropolis, pour un co-plateau L'Impératrice et Feu! Chatterton. L'Impératrice est assez surprenante par son style et surtout celui de ses musiciens qui font véritablement le show. Si l'on retrouve les boucles électros très en vogue actuellement, c'est quand même un son funk années 70 dépoussiéré que nous propose le groupe. La chanteuse a une voix aiguë, haut pêché, qui nous saisit au départ mais nous lasse relativement vite, car une fois passé l'effet de surprise, on la trouve assez linéaire. Chose relativement rare sur la scène française actuelle, elle laisse beaucoup de place à ses musiciens, qui offrent de bonnes sessions instrumentales, on regrette qu'il n'y ait pas vraiment de solo de basse, de clavier ou de guitare, mais plutôt des riffs qu'on entend en boucle. On reste finalement assez mitigé par l'ensemble du spectacle, même si indéniablement, la sauce prend et chauffe un public qui se laisse entraîner et danse tout du long. Vient ensuite LE groupe de rock à suivre en ce moment : Feu! Chatterton. Nous vous conseillons vivement de lire l'interview qu'ils nous ont accordé dans notre numéro d'avril / mai pour découvrir et saisir l'univers "rock littéraire" de ce groupe absolument unique en son genre. Rock ? Psychédélique ? Blues ? Feu! Chatterton c'est un peu tout ça et tellement plus encore ! Le charisme du chanteur, son allure nonchalante, sa manière de déclamer les textes, sa gestuelle, l'ensemble nous scotche de la première à la dernière note du concert. Sûrement le meilleur concert auquel nous avons pu assister jusque-là.