Alors... Chante !

Toujours debout

Par Benjamin Valentie

Crédit photo:  Christophe Hartner

C'est peu dire que l'édition du renouveau d'Alors... Chante ! était attendue. Après avoir failli partir à la Poubelle en 2014, ce festival emblématique était de retour dans une nouvelle ville, Castelsarrasin. Avec à la baguette l'équipe d'Abacaba pour l'organisation et la programmation, en compagnie de Dominique Janin, propulsée présidente et qui ont permis le renouveau de l'association Chants Libres.

 

Retour sur cette semaine décisive pour ce festival familial, dont la vocation est et restera la découverte.

 

Le contexte 2016

 

Deux ans sans édition, c'est long. Surtout quand l'univers des musiques actuelles ne prend pas le temps de regarder dans le rétroviseur. Le Printival Boby Lapointe de Pézénas qui se déroule fin avril a pris de l'envergure, le festival l'Air du Temps de Lignières qui a lieu au même moment avait accueilli en 2015 la majorité des professionnels, traditionnellement habitués à passer ce pont de l'Ascension devant des artistes. Sans parler de Pause Guitare d'Albi, jadis frère jumeau et qui programme aujourd'hui les pointures internationales début juillet.

 

Attendu donc, Alors... Chante ! Surtout quand, quelques jours avant le coup d'envoi, on apprenait l'annulation de cinq concerts et d'un nouvel aménagement de l'espace. Signal déstabilisant quand on entendait aussi ici ou là le boycott de l'édition par quelques personnes de la filière chanson.

 

Une fois sur place, il faut reconnaître que la salle Jean Moulin n'en n'impose pas comme autrefois Eurythmie et que le chapiteau qui accueille le cru 2016 des découvertes n'a pas le cachet d'un Magic Mirrors. Peu importe, le lieu choisi, en bordure de Canal prédispose à un certain art de vivre. Des arbres, du soleil, de la place où se mélangent public, artistes et pros. Castel, c'est pas mal quand même.

 

Premier bon constat, les professionnels n'ont pas déserté le bateau. De Gérard Pont, big boss des FrancoFolies et du Printemps de Bourges jusqu'à A Thou Bout d'Chant, dynamique salle lyonnaise dont les nouveaux jeunes directeurs étaient là, les programmateurs et tourneurs débarquent dans la ville de 13000 habitants. BFM TV qui couvrait le retour au pays natal de Pierre Perret, l'inénarrable Patrice Demailly de Libé, RFI et Télérama Sortir en passant par FrancoFans ou François Alquier du blog chanson Mandor, ce sont de nombreux médias nationaux qui rejoignaient le cortège de la presse locale avec cette question : Alors Chante, ! devenu colosse aux pieds d'argile va-t-il repartir ?

 

Les têtes d'affiche au rendez-vous

 

Pierre Perret, qui a reçu sur place le Grand Prix Chanson In Honorem de l'Académie Charles Cros, ouvre « enfin » le bal devant une salle comble et sous le charme. C'est seulement sa deuxième apparition en soixante ans de carrière sur ses terres après le passage en septembre. Sans déconner !  Blankass, Nolwen Leroy et Alexis HK, les « petits nouveaux » accompagnent l'ami Pierrot en duo, qui lui, ému comme pas deux, est aux bords des larmes au moment de partir. Le public est reparti pour son argent : des tubes, des chansons grivoises, des sourires. Perret a fait le tour de soixante ans de carrière. Les têtes d'affiches suivantes ont ramené du monde et drainé un public différent. Les midinettes venus acclamer Vianney et Dutronc fils le lendemain ont pu découvrir Zaza Fournier et son beatmaker, Majiker, bousculer les codes. Les irréductibles de Thiéfaine ont préalablement dandiné sur l'accordéon et les cuivres de Debout sur le Zinc. Beau tableau avant qu'En remontant le fleuve plonge l'assistance dans l'atmosphère rugueuse et poétique de l'Idole.

 

Dans les trois autres « pôles », les succès sont différents. La pertinence de la programmation jeune public, entre la chanson très traditionnelle de Pascal Parisot et celle bien plus novatrice dans les thèmes et dans la forme d'Icibalao de Presque Oui et de Quand je serai petit de Tony Melvil & Usmar, a attiré un millier de personnes sur cinq jours. Sous le chapiteau, en deuxième partie de soirée, c'est plus la soupe à la grimace niveau fréquentation pour Radio Elvis, Nach ou Zoufris Maracas. Ces derniers peu aidés il est vrai par un plateau pour le moins hétéroclite avec la Canadienne Marcie, toute en retenue, et Jules et Le vilain Orchestra peut être trop propre sur eux pour ce public, pressé de chanter les hymnes anarcho-festifs de la tête d'affiche. La Grande Sophie livrera elle un show et des lumières parfaits devant une jauge digne de son talent.

 

Découvertes, du bon et du moins bon

 

Mais Alors... Chante ! C'est avant tout un concours de découvertes. De ceux qui dénichent des pépites comme Jeanne Cherhal, Renan Luce, Manu Galure, Yves Jamait ou Zaz. Pour l'édition 2016, les esthétiques sont nombreuses parmi les douze candidats. Nord fait illusion dès le premier jour, remporte le prix du CCAS et repart avec une dizaine de dates comme lot. Gatshen's et sa chanson qui se mélange à l'Afrique devient la nouvelle chouchou du public. Tony Melvil (photo ci-dessus), dont la cheminée est déjà garnie de nombreux trophées remportés aux quatre coins du pays, y rajoute le Prix des Pros. Ceux qui ont lu nos anciens articles ou sont venus aux Soirées FrancoFans ne seront pas surpris. Un pallier est encore franchi pour celui qui n'aspire plus à être éternellement une découverte mais bien un chanteur qui compte aujourd'hui. Puisse cette récompense lui ouvrir quelques portes comme ce fût le cas de ces prédécesseurs au palmarès. Que retenir d'autres ? Pas grand chose... à part qu'il est toujours plaisant de retrouver Pomme, K !, La Goutte, Minou ou JB Notché regroupés dans une même famille artistique qui abolit les frontières pour se regrouper autour d'une seule chose, la chanson au sens large, débarrassée de ses querelles ineptes de chapelle.

 

Bilan

 

Alors Chante rechante, repart, et c'est tant mieux. 5200 spectateurs ont été accueillis. C'est bien, l'opération séduction de ce nouveau public prend, même si c'est trois fois moins que l'édition montalbanaise 2014. Mais au-delà des chiffres ou des bilans, cette édition restera celle d'un renouveau grâce à l'énergie déployée par les fantastiques bénévoles passionnés qui sont la véritable âme de ce festival à taille humaine. Alors certes, il y a encore des paliers à franchir, des décisions difficiles à prendre pour que ce festival, encore convalescent, retrouve sa sérénité et la place qu'il occupait à un moment. Mais l'aventure est relancée, avec la joie du simple fait de vivre et dans le soulagement d'une édition 2016 prometteuse à plein d'égards.

Un immense merci pour l'accueil à Dominique, Danièle, Patricia, Julie, Victoire, Virginie, Rozenn, Sylvaine, Karlotte, Chlaire, Fred, Marie, Julia, François, Fabienne, Dominique, Rémi, Marion, Maude, Michèle, Adèle et Maëva...